Parti Communiste International

 
TREMBLEMENT DE TERRE SOCIAL EN AFRIQUE DU NORD !


Après un mois d’émeutes et plus de 70 morts, l’une des plus anciennes dictature d’Afrique du Nord vient de tomber. Le tortionnaire Ben Ali, ancien dirigeant de la sûreté militaire qui se vantait de participer à la torture de ses opposants, a dû s’enfuir avec sa famille vers des cieux meilleurs, poussé par ses anciens collaborateurs et sûrement par l’armée. La famille Ben Ali, que l’ambassade américaine décrit comme étant à la tête de tout un système de corruption, à tel point que cela en devenait gênant pour le bon fonctionnement des affaires elles-mêmes, a cristallisé sur elle le rejet de ce régime odieux, non seulement de la part du prolétariat, mais finalement de presque toutes les classes sociales.

La situation n’est pas sans rappeler la chute du gouvernement Ceaucescu en 1989 en Roumanie. A la suite de la chute du mur de Berlin, dans un contexte de crise économique et de tension sociale extrême, après une insurrection populaire dont la force principale a été le prolétariat roumain, les Ceaucescu furent chassés du palais présidentiel, puis peu après arrêtés par l’armée et après un procès sommaire mené par leurs anciens collaborateurs, exécutés.

Là aussi il s’agissait d’un régime basé sur le népotisme et la corruption. Il faut préciser que la corruption fait partie de toute société bourgeoise. En Europe et en Amérique du Nord elle existe aussi à grande échelle, mais elle se fait plus discrète.

Quoi qu’il en soit la situation est similaire: la famille Ben Ali défendait les intérêts de la bourgeoisie tunisienne, comme les Ceaucescu défendaient ceux du capital roumain, mais en organisant un vaste système de corruption qui servait d’abord leurs propres intérêts.

Une situation sociale et économique dramatique, dans les deux cas, a poussé le prolétariat à descendre dans la rue et à s’opposer au régime honni en affrontant la police au mépris de la mort. Les évaluations sommaires font état de 70 morts en Tunisie; en Roumanie aussi le prolétariat versa généreusement son sang: on dénombra plus de 1100 morts après la chute du régime.

En coulisse, les diplomaties soviétique et américaine s’activaient pour préparer la succession des Ceaucescu. On peut penser que la diplomatie américaine a dû intervenir activement et conseiller les généraux tunisiens de se débarrasser de cette famille devenue encombrante. D’autant plus que la bourgeoisie américaine est fortement présente dans région et qu’elle contrôle majoritairement le pétrole et le gaz en Algérie et en Lybie.

La situation économique et sociale a poussé le prolétariat tunisien à descendre dans la rue afin de renverser ce régime devenu insupportable.

En moyenne d’après les chiffres officiels, 15% de la population active se trouve au chômage et un intellectuel sur trois est sans travail. L’industrie se répartit essentiellement en industries minière (la Tunisie est le 5èm exportateur mondial de phosphate), pétrolière et textile. Entre 2003 et 2008 la production industrielle a crû en moyenne de 3,3 %, ce qui est loin d’être mirobolant et ne permet pas d’absorber la main d’œuvre qui vient s’ajouter au marché du travail chaque année.

En 2009 la Tunisie, comme le reste du monde, a été frappée par la récession économique. La production a ainsi chuté de 4,6%.

Depuis 1986 la Tunisie a connu de nombreux conflits sociaux dont le plus retentissant est sûrement celui de 2008 à Gafsa, centre minier où l’on extrait les phosphates dans le sud de la Tunisie. A la suite d’une restructuration les effectifs de la compagnie minière passèrent de 11000 à 5000. La mobilisation du prolétariat fut telle qu’elle se traduisit par une émeute et un affrontement qui dura presque 8 mois. A l’époque le gouvernement a tout fait pour isoler les travailleurs en bouclant la région et en interdisant toute information sur ce qui s’y passait.

A ces difficultés s’ajoute la situation agricole dramatique; habituellement la production annuelle de céréales, pour ces dernière années, oscille entre 158 kg et 193 kg par tête. Par suite de sécheresse la production en 2010 est tombée à 105 kg par tête. Par comparaison la production de céréales en Algérie sous la colonisation était en 1955 de 155 kg par tête: la faim a poussé les fellahs au soulèvement contre la colonisation française!

La Tunisie fait partie de ces 80 pays qui sont obligés d’importer leur céréales pour nourrir la population.

La situation agricole à l’échelle mondiale confirme dramatiquement la thèse marxiste que le capitalisme est incapable de nourrir l’humanité. En 2003 les États africains avaient pris l’engagement de consacrer 10% de leur budget à l’agriculture. Seule une poignée d’entre eux a respecté cet engagement, la majorité a préféré développer une agriculture d’exportation qui rapporte plus, mais ruine les petits paysans et bien sûr ne nourrit pas la population.

Dans les grands pays exportateurs, la production agricole se trouve dans les mains de l’industrie agro-alimentaire et du capital financier, qui ruinent les paysans et poussent à une agriculture à haut rendement financier, tout en les forçant à vendre au prix les plus bas. Ainsi aux États-Unis et en Europe une partie des céréales est destinée à la production de carburant pour l’industrie automobile.

Le problème sous le capitalisme est que dans l’agriculture la rotation du capital est annuelle ou bi-annuelle ou au mieux tri annuelle, alors que dans l’industrie celle-ci est de quelque jours. Un même capital, grâce à une rotation élevée va rapporter bien plus que si il est investi dans l’agriculture. En plus l’agriculture nécessite souvent des investissements élevés, comme la construction et l’entretien de tout un système d’irrigation, qui est nécessaire en Afrique, sans parler des autres travaux d’infrastructure que sont les routes, etc.

C’est pourquoi, bien qu’accomplissant des prodiges, les paysans n’arrivent pas à répondre à la demande. Et dans une période de crise économique ou de ralentissement, les capitaux vont encore moins vers l’agriculture.

Les aléas climatiques sont inéluctables et ils doivent être compensés par des stocks suffisants. Dans une société fondée sur l’exploitation du travail salarié et le profit, l’agriculture est forcément à la traîne et l’état des stocks forcément bas. Aussi dans une telle situation, le moindre aléas se traduit automatiquement par une tension sur les prix.

Les incendies en Russie, les inondations en Australie, etc, se traduisent par une chute de la production, ce qui pousse la Russie et l’Ukraine, par précaution, à arrêter toute exportation. On l’a vu en 2008 pour le riz, on le voit aujourd’hui pour le blé. Les spéculateurs de tout bord, cette bande de parasites que la révolution se chargera d’éliminer, profitent de l’occasion pour acheter des stocks et faire monter les prix.

C’est dans ce contexte économique national et mondial que s’est produit le soulèvement du prolétariat tunisien.

La révolte est partie de Sidi Bouzid une ville de 40,000 habitants qui se trouve dans une région agricole dans le centre du pays. Ce n’est pas par hasard; on y retrouve de façon accrue tous les maux de la société bourgeoise tunisienne, le taux de chômage y serait de 48% et de 60% chez les jeunes, auquel est venu s’ajouter l’inflation des prix des produit alimentaires.

Dans cette situation dramatique, devenue insupportable, un incident en apparence banale, des vexations policières et l’interdiction pour un jeune de vendre ses légumes, a cristallisé toutes les tensions et provoqué une émeute qui s’est répandue comme une traînée de poudre.

Partout les jeunes chômeurs et ceux qui ont un travail, mais n’arrivent pas à joindre les deux bouts, sont descendus dans la rue décidés à affronter ce régime sanglant et ses sbires. Le prolétariat encore une fois a montré sa générosité au sacrifice de sa vie.

Finalement lors des dernières manifestations, surtout à Tunis, les couches moyennes ont à leur tour pris le train en marche et soutenu le mouvement.

Devant la chute du gouvernement les sbires du régime se sont déchaînés en essayant de semer le terreur, comme l’avait fait ceux de Ceaucescu, mais rien n’y a fait, la partie pour eux était perdue.

Qu’attendre de la suite des évènements? Le jeu va se faire entre les anciens du régime qui sont encore en place et les partis petits bourgeois qui se trouvent dans l’opposition. Des élections vont être organisées et il est certain que le prolétariat qui s’est battu pour faire tomber le régime ne va pas se laisser faire. Il va continuer d’essayer de peser sur la suite des événements.

Une des revendication avancée est la création d’un gouvernement provisoire avec les partis d’opposition en vue d’organiser les élections.

Dans tous les cas le prolétariat se fera flouer, même si les élections portent au pouvoir l’un des partis d’opposition. Depuis «La guerre civile en France» de Marx l’on sait que les partis petits bourgeois sont amenés à conduire la politique économique de la grande bourgeoisie. Depuis 1848, cela s’est vérifié maintes et maintes fois partout dans le monde.

Le renversement du régime de la famille Ben Ali ne suffit pas pour changer la donne. Il faut pour cela renverser par la force des armes la bourgeoisie qui tient en main toute l’économie et tient de fait le pouvoir politique, la police, l’armée, etc.

Pour pouvoir prendre des mesures en faveur du prolétariat, il faut non seulement renverser la bourgeoisie par la force des armes, la mettre hors la loi, mais aussi l’exproprier. Ce qui suppose la prise du pouvoir et la dictature du prolétariat.

Pour arriver à ce but le prolétariat doit s’organiser dans un vaste réseau d’organisations syndicales, perméables à l’activité révolutionnaire, et qui regroupe tous les travailleurs sans distinction de religion ou d’opinions philosophique ou politique, avec ou sans travail, sur la base de la défense de leurs intérêts immédiats. L’organisation des chômeurs dans ce vaste réseau syndical est vital.

En outre ce réseau doit être organisé en dehors et contre les syndicats officiels (l’Ugtt en Tunisie) qui sont dans les mains de la bourgeoisie industrielle. Tous les États issus de la décolonisation sont des États fascistes dont la constitution est cousu main sur le modèle mussolinien. Parti unique et syndicat d’État dont le but est de contrôler strictement le prolétariat.

L’avant garde du prolétariat tunisien doit rejoindre les rangs du Parti Communiste International en vue du renversement des bourgeoisies industrielles, financières et commerçantes.

En dehors de ces objectifs il n’y a rien à attendre. Les «Ben Ali» sont mis partout au pouvoir par la bourgeoisie elle-même. La bourgeoisie algérienne a pris la tête du mouvement indépendantiste à la fin des années cinquantes pour éviter toute révolution, et maintenir strictement le mouvement dans les limites d’un affrontement racial. Tous ceux qui essayaient de radicaliser le mouvement d’indépendance en le portant sur un terrain de classe étaient systématiquement torturés et éliminés.

Le première chose qu’a fait cette bourgeoisie après l’indépendance c’est d’appuyer la constitution sur l’islam en en faisant une religion d’état. La religion, cette idéologie arriérée et contre-révolutionnaire est le plus sûr pilier du conservatisme social.

Depuis que la Roumanie est passée sous la démocratie qu’en est-il de la situation du prolétariat?

Au lendemain du changement de régime, avec le démantèlement du capitalisme d’État, une minorité s’est enrichie de façon fulgurante en s’appropriant la propriété des biens d’État; bien souvent des membres de l’ancien régime. 60% de la population vit de la petite agriculture, dont une grande part en auto subsistance, et 3 millions de prolétaires ont dû s’expatrier pour trouver du travail. L’entrée de la Roumanie dans la communauté européenne a permis toutefois un certain développement économique, mais qui a surtout profité à la nouvelle bourgeoisie.

Aujourd’hui la Roumanie, comme le reste de l’Europe est touchée de plein fouet par la crise du capital. Les mesures qui s’annoncent, comme en Europe de l’ouest sont essentiellement dirigées contre le prolétariat.

Est-ce que la Tunisie peut faire mieux? C’est peu probable! La disparition du régime de corruption de Ben Ali va peut-être favoriser les investissements tant de la bourgeoisie tunisienne qu’en provenance de l’étranger, principalement d’Europe, mais ce n’est pas le prolétariat qui en profitera.

L’Europe est le débouché naturel de l’économie tunisienne; l’industrie textile y exporte toute sa production et les services comme les télécoms travaillent en partie pour elle, sans parler de l’industrie touristique qui en dépend entièrement. Des négociations ont lieu entre la communauté européenne et la Tunisie pour mieux arrimer cette dernière au marché commun. Une industrie de sous-traitance pourrait s’y développer. Dans ces conditions la disparition du népotisme et du bachique plus favorable aux affaires peut permettre un meilleur développement économique et créer des emplois. Il ne faut pas toutefois croire au miracle, quand on voit la situation économique de l’Europe, Il y a peu de chance que le chômage diminue significativement en Tunisie. Et à la prochaine récession la situation sociale sera la même qu’aujourd’hui avec les même difficultés pour nourrir sa famille.

Un réel développement économique de l’Afrique n’est pas possible sans l’aide de l’industrie européenne, ce qui présuppose la prise du pouvoir par le prolétariat européen.

La démocratie, cette nouvelle religion, en Europe et en Amérique du Nord, tient le même rôle que la religion sous l’ancien régime et l’Islam dans les pays arabes et du Moyen Orient. La démocratie est née à Athène au VI° siècle avant jc, dans une société esclavagiste. Sa base économique et sociale était justement l’esclavagisme.

La démocratie moderne a pour fondement économique l’exploitation du travail salarié. C’est le masque sous lequel la bourgeoise cache sa dictature de classe. La grande bourgeoisie industrielle, financière et commerçante, non seulement vit de l’exploitation du prolétariat, mais c’est aussi elle qui décide de la politique économique et diplomatique. C’est elle qui décide du sort de millions et millions de travailleurs.

La fiction démocratique ne peut fonctionner que si la bourgeoisie obtient le consensus d’une large part de la société. Cela n’est possible que si il existe une large strate de couches moyennes qui font tampon entre le prolétariat et la grande bourgeoisie.

Mais là où il y a 48% de chômeurs et 60% de chômeurs chez les jeunes, cela n’est plus possible. C’est pourquoi la plupart des États d’Afrique et du moyen Orient sont des régimes de dictature qui s’appuient sur la prison et la torture. En Iran il y a bien un parlement, mais en annexe le pouvoir dispose de chambres de torture.

Il y aura peut-être en Tunisie pour un temps un gouvernement démocratique, mais inéluctablement ce gouvernement se transformera en régime de dictature.

Ce qui est important ce n’est pas l’immédiat, mais le fait que le prolétariat tunisien en renversant ce régime sanguinaire a provoqué un vrai «tremblement de terre» social. Les régimes établis du Maroc, d’Algérie et d’Egypte, pour ne citer que ceux-là doivent avoir chaud aux fesses. Les bourgeoisies d’Afrique et d’Europe doivent se faire du soucis.

Cette crise n’est pas purement tunisienne, elle est liée à la crise du capitalisme mondial. Elle fait partie d’une chaîne d’évènements comme les émeutes en Grèce, les grèves au Portugal et en Espagne qui annoncent que le compte à rebours de la domination bourgeoise est commencé.

Le capitalisme mondial a frôlé en 2009 une crise d’une intensité comparable à celle de 1929. Il a pu l’éviter de justesse en portant l’endettement public à un niveau jamais atteint. Et il n’est pas encore pour autant sorti de cette crise. Mais les mesures que les différentes bourgeoisies prennent pour en sortir, dans le même temps créent les conditions de la suivante.

Depuis 1975 les crises économiques se succèdent tous les 6-7 ans et les mesures que prend la bourgeoisie pour essayer de sauver son mode de production de la faillite consiste à faire pression sur les salaires directs ou indirects (charges sociales), en jouant sur la masse des chômeurs, en important massivement de la main d’œuvre à bon marché, en diminuant les charges sociales, et en augmentant par tous les moyens la productivité.

Le résultat est une aggravation de la misère et de la surproduction conduisant à une nouvelle récession. L’autre moyen c’est l’endettement public et privé.

Aujourd’hui devant la montagne de dettes, les différentes bourgeoisies sont contraintes à prendre des mesures, non pas pour réduire la dette publique, mais pour freiner sa croissance. Mais tôt ou tard il faudra passer à la caisse. Pour défendre l’euro, les banque européennes sont contraintes d’acheter les obligations des États en difficultés augmentant par là le niveau de leur créance douteuse. Outre la destruction des services publics de nouvelles mesures sont en préparation pour diminuer, ce que les esclavagistes de la société bourgeoise appellent les coûts de production, c’est-à-dire le salaire direct ou indirect des ouvriers.

Si la bourgeoisie arrive à sortir de la présente crise il y a peu de chance que cela se traduise par une forte croissance. Pour les États-Unis, le cœur du capitalisme mondial, entre 1973 et 2007 sa croissance industrielle moyenne a été de 2,4% et seulement de 1% entre 2000 et 2007. Et ce n’est pas le résultat le plus mauvais, comparé aux autres grands pays industrialisés. Dans cette situation délétère le capital financier se lance à corps perdu dans la spéculation, notamment sur les matières premières et l’énergie comme le pétrole, le gaz et l’électricité, aggravant la surproduction et préparant les conditions d’une nouvelle crise financière. Nos bourgeois n’apprennent rien car les lois de l’économie capitaliste ne leur laissent pas le choix. «Les échos» du 17-01-2011 nous informe que les 6 grandes banques françaises ont versé en 2009, 3 milliards d’euros à leurs traders pour leur «bon» travail. On n’a pas les chiffres pour 2010, mais on peut penser que c’est reparti comme en 14. Dans tous les cas à la prochaine récession, les différentes bourgeoisies mondiales ne pourront pas voler au secours du capital financier en ouvrant tout grand les coffres des États, ceux-ci sont vides.

Alors avec Marx nous dirons: «Bien travaillé vieille taupe!»1 et le prolétariat de s’emparer de son étendard sanglant sur lequel est inscrit en lettre de feu:

ABOLITION DU SALARIAT, ABOLITION DU CAPITAL, DICTATURE DU PROLETARIAT !
 



1 La taupe creuse des galeries souterraines, sans que l’on en s’aperçoive, jusqu’au jour où le sol s’effondre sous nos pas. Les contradictions du capital, tout comme notre petit animal, creuse en silence dans le sous sol économique de la société bourgeoise des galeries jusqu’à ce que celui-ci s’effondre en une gigantesque crise de surproduction.