Parti Communiste International
 
4 décembre 2019
Lock-out à ABI Bécancour
Un an de mépris capitaliste ordinaire


Le 11 janvier 2019 les travailleurs et travailleuses de l’Aluminerie de Bécancourt célébraient un triste anniversaire, celui d’un an de mépris et d’arrogance patronale, de sabotage étatique, d’intimidation judiciaire et d’isolement social. En bref, ils célébraient un an de lock-out.

L’histoire du lock-out d’ABI est peut-être la première que nous couvrons dans nos pages de journal, mais n’importe qui s’intéressant aux conflits de travail dans les usines de la province pourrait vous la décrire comme étant presque la norme.

On commence avec une demande de modification du fonds de pensions, qui est rejetée, puis la déclaration d’un lock-out. Vient ensuite une injonction limitant le piquetage, elle-même suivie d’une déclaration d’outrage au tribunal pour détails, un renforcement de l’offensive patronale, qui propose maintenant, entre autres, de supprimer des postes, de recourir à de la sous-traitance et de refaire l’ensemble de l’organisation du travail à sa convenance.

On peut rajouter à cela le fait qu’Hydro-Québec est particulièrement coopérative avec Alcoa ou encore pointer que ce conflit démontre une énième fois l’inefficacité de la loi anti-scab. Alors que les grévistes ont recensé maintes fois la présence de briseurs de grève.

Les inspecteurs, ayant à s’annoncer à l’avance à la guérite du terrain de l’usine, ne peuvent qu’être inefficaces dans leurs tentatives, alors que les laquais patronaux ont pleinement le temps de se cacher.

Bref, les ouvriers et les ouvrières ont toutes les règles du jeu contre eux. Leur détermination est exemplaire face à des attaques aussi vicieuses de la part d’une des grandes institutions capitalistes.

Que les lock-outé d’ABI aient fait preuve d’un maximum de combativité dans le cadre actuel, tentant de ralentir la production au maximum, manifestant devant les maisons des dirigeants et essayant de faire pression sur le gouvernement pour abolir le traitement préférentiel qu’Hydro-Québec donne à ABI, cela n’est pas à questionner.

Cependant, ce qui doit être mis sur la table, c’est la question du respect du cadre traditionnel d’une lutte syndicale. En effet, avec la globalisation des marchés, l’intensification de la concurrence internationale entre groupes capitalistes se répercute inévitablement sur les conditions de travail du prolétariat. Le profit ne peut être extrait qu’en compressant le capital variable et donc les conditions de travail. Alcoa a déjà, dans les dernières années, fermé de nombreuses usines en Espagne, en Italie et aux USA; on voit donc que l’offensive contre les travailleurs et travailleuses de Bécancour a des origines plus complexes que simplement l’usine elle-même.

C’est donc se demander si la stratégie du syndicat des Métallos est la bonne? Se demander si la grève contre une multinationale peut se résumer à l’arrêt de la production dans un seul lieu? Surtout que, en restant dans les limites de l’action légale, l’arrêt de la production ne peut qu’être partiel. Alors que le lock-out s’éternise, se pose sérieusement la question de l’extension de la grève aux autres sites d’Alcoa dans la province, et pourquoi pas dans le monde – et avec cette question c’est le mouvement ouvrier qui doit absolument réfléchir à sa pratique des dernières décennies. Est-ce que la recherche du “compromis négocié” est une bonne tactique alors que la concurrence féroce oblige les compagnies à comprimer davantage qu’importent les concessions? Est-ce que le respect du Code du travail, et l’attente systématique de l’action de l’État comme “grand arbitre” de la question sociale reste toujours une voie possible à l’heure ou le capitalisme s’enfonce dans une crise structurelle?

Un bref regard sur le passé nous apprend que non. Ce n’est pas à coup de compromis et de respectabilité médiatique que les droits sociaux ont été acquis et défendus, surtout pas en période de ralentissement économique. C’est par la solidarité, la grève dure et extensible, le blocage que les prolétaires gagnent. C’est par nos propres moyens que nous gagnons, pas en espérant que des politiciens ou des professionnels de la “médiation” régleront notre sort. C’est par la prise en charge de nos moyens d’action collectifs selon nos propres règles et objectifs que nous pouvons changer les choses.