Parti Communiste International

La lutte du port de Montréal

41 milliards de dollars en marchandise par années, passant par un gigantesque goulot d’étranglement, c’est sur leur capacité à bloquer ce point crucial que le rapport de force des débardeurs du Port de Montréal repose. C’est pour cela qu’ils se sont moqués du lock-out en 2010 et en cinq jour ont mis le patronat à genoux. C’est donc cette arme que la bourgeoisie essaie de leur enlever car la grève d’un secteur aussi important que le transport – secteur permettant la circulation des marchandises et des capitaux – est insupportable pour l’économie nationale.

Voilà pourquoi la bourgeoisie essaie de soutirer la liberté de grève des débardeurs.

C’est face à un mandat de grève pris à 99.5% le 2 avril 2019 que l’employeur a décidé d’en appeler au Conseil Canadien des Relations Industrielles pour que les activités du Port de Montréal tombent sous “la loi sur les services essentiels”. Depuis, le syndicat – SCFP section local 375 – a dû reporter sa grève en attendant la décision du conseil. Cette décision pourrait s’avérer particulièrement ennuyante car elle pourrait retirer la liberté de faire grève à l’ensemble des débardeurs du pays et, incidemment, à de larges sections de travailleurs du secteur de la logistique et de la circulation des marchandises.

Car il faut comprendre que cette attaque se place au moment d’un repositionnement du Port de Montréal comme plaque tournante de la logistique sur la côte Est. Ce sont des investissements de 1,65 milliard de dollars qui permettront l’addition d’un nouveau point de déchargement des containers; et la construction d’un nouveau pôle de logistique centré sur les achats en ligne avec l’installation d’un entrepôt Amazon.

Pour rendre ses investissements rentables, la bourgeoisie Québécoise compte d’abord utiliser ses relations privilégiées avec la France (et le marché de l’Union Européenne), mais doit aussi s’assurer d’une stabilité accrue et réduire le coût du travail, notamment pour faire face à une pression accrue que lui fait subir la concurrence venant du Port de New-york et New Jersey. Il faut aussi replacer cette réalité dans le rôle grandissant que joue la logistique dans le cycle de reproduction du Capital, alors que la consommation se fait de plus en plus en ligne et que la livraison à domicile devient de plus en plus la norme pour la consommation dans les pays occidentaux.

L’argument patronal pour restreindre la liberté de grève tient au fait que du matériel médical transite par les Ports et qu’une grève serait trop dommageable pour les usagers du système de la santé. Cette fabulation patronale est particulièrement de mauvais goût quand on sait que les débardeurs déchargent le matériel médical en temps de grève, et les hôpitaux n’ont jamais été affectés par les arrêts de travail du Port durant les trente dernières années. Il faut aussi voir que, si le conseil donnait raisons à l’employeur, cela pourrait faire jurisprudence non seulement pour les Ports, mais pour toute compagnie de transport qui pourrait, à un moment ou un autre, transporter du matériel médical. Il s’agit d’une attaque pure et simple de la part de la bourgeoisie sur la liberté de faire grève qui sera suivie d’une offensive tout azimut sur les conditions de travail. Il faut rappeler à nos camarades que la meilleure façon de défendre cette liberté est de l’appliquer le plus largement possible, et de l’étendre aux autres secteurs de la logistique et du transport pour produire encore plus de pression.

Que la bourgeoisie attaque le prolétariat, cela n’a rien de bien étonnant; la réaction du syndicat de “régime” est, malheureusement, elle aussi, sans surprise. Cela fait bientôt presque huit mois que le syndicat des débardeurs attend patiemment que la légalité bourgeoise donne son verdict, offrant tout ce temps aux patrons pour s’organiser, laissant les syndiqués cantonnés à une approche corporatiste, limitant la riposte à de simples protestations symboliques et autres avocasseries.

Dans cette situation, il devient nécessaire pour les travailleurs de reprendre leurs luttes en main et de bâtir des syndicats autonomes capable de confronter la légalité capitaliste; nécessaire aussi d’aller se lier aux autres secteurs de la logistique. Le fait de voir un des plus puissants syndicats de “régime” du pays en être réduit à l’impotence devant quelques formalités administratives ne fait que hurler le besoin pour des organes de combat autonomes de la classe ouvrière.