Parti Communiste International

8 mars 2022
La journée du 8 mars, la femme et la révolution communiste internationale


Un 8 mars de guerre

Voici le texte que nous avons préparé pour le publier à l’ occasion de la Journée internationale de la femme. Aujourd’ hui, quand la guerre bourgeoise fait rage aussi en Europe, on se souvient de la multitude de femmes ukrainiennes ; ces femmes ukrainiennes qui ont dû abandonner leurs familles pendant des décennies pour venir travailler comme soignantes dans les pays occidentaux les plus riches. Elles ont été contraintes à le faire par un régime capitaliste d’ oppression et de misère, tout aussi impitoyable pour le prolétariat ukrainien et celui des pays voisins. Aucune canaille bourgeoise n’a jamais dénoncé le sacrifice de ces femmes et de leurs enfants. C’ est cette même propagande bourgeoise qui prétend aujourd’ hui pleurer sur les vicissitudes de ceux qui fuient la guerre, mais uniquement à des fins de propagande militariste et pour dresser les travailleurs des différents pays les uns contre les autres.


* * *

La proclamation d’une journée internationale de la femme pour le 8 mars fut le fruit non pas du mouvement féministe bourgeois mais celle du mouvement féministe international socialiste puis communiste (avec l’avènement de la révolution russe en 1917).
Mais qu’en reste-t-il aujourd’hui ?


Les fondements de l’oppression des femmes : la société de classes

Pour nous communistes, les objectifs du mouvement féministe bourgeois, compatibles avec les rapports de classes, divergent radicalement du travail de propagande parmi les femmes qui fut celui du courant socialiste de la fin du 19 ème siècle et début du 20ème siècle, ensuite communiste dès 1917. Il s’en distingua immédiatement en affirmant que sans lutte de classe, sans révolution prolétarienne, le combat pour l’émancipation du prolétariat, de tous les opprimés, et donc de la femme, est complètement illusoire.

L’oppression de la femme apparue dans la société de classe fondée sur la famille et le patriarcat ne peut finir qu’avec la fin d’un système social basé sur la propriété, l’exploitation de l’homme par l’homme et de la femme par l’homme, et le salariat. Seules la révolution communiste internationale et la dictature du prolétariat guidé par son parti révolutionnaire pourront détruire jusqu’à la dernière pierre l’édifice monstrueux du mode de production capitaliste et son lot d’oppressions sur le travailleur, sur la femme et autres catégories désignées comme des victimes expiatoires à la hargne populaire (groupes religieux, ethniques, sexuels, etc.).

Pour nous communistes, la perspective a été tracée par nos géants marxistes, et nous en rappellerons très schématiquement le fascinant dessein. La société de classe n’est pas éternelle. Il y a eu un avant, et il y aura un après. Ainsi le communisme primitif fut celui de groupes humains où la reproduction était essentielle pour la survie de l’espèce, d’où le culte de déesses-mères et la matrilinéarité de la filiation mais sans exploitation de la femme sur l’homme – c’est à dire pas de matriarcat – et sans appropriation de biens. L’agriculture et l’élevage permirent progressivement, vers la fin du néolithique, aux groupes humains de passer avec le développement des forces productives à un autre mode de production basé sur la division en classe et la propriété privée des biens encadrée par le système familial et la filiation patrilinéaire exigeant le renversement du statut de la femme. En effet, en tant que reproductrice, la femme devenait la vestale du temple de la propriété patriarcale. Le capitalisme par son développement explosif des forces productives pose les bases d’une société future où les groupes humains peuvent vivre sans se combattre et sans oppression, mais il avance désormais comme un cadavre putrescent qui sème la mort et le désespoir en attendant son fossoyeur prométhéen, le prolétariat révolutionnaire ! Le communisme supérieur jaillira sur les ruines du mode de production capitaliste et de son système d’exploitation amenant ainsi l’humanité à des jours radieux.

La militante Clara Zetkin, social-démocrate puis communiste (en 1918 avec la fondation du parti communiste allemand) rendit hommage à l’ouvrage « La femme et le socialisme » de 1879 du social démocrate August Bebel – qui sombra ensuite dans le réformisme – en ces termes : « C’était plus qu’un livre, c’était un événement – un grand acte. Le livre soulignait pour la première fois le lien entre la question des femmes et le développement historique. Pour la première fois, l’appel a retenti dans ce livre: Nous ne conquerrons l’avenir que si nous persuadons les femmes de devenir nos co-combattantes ». A la fin du livre, Bebel résume la position de ce qui sera repris par le mouvement prolétarien des femmes: « La femme aussi, et surtout la femme prolétaire, a été appelée, à ne pas rester à la traîne dans cette lutte qui est menée pour sa libération et sa rédemption aussi. C’est à elle de prouver qu’elle a reconnu sa véritable position dans le mouvement, et dans la lutte du présent pour un avenir meilleur, et qu’elle est déterminée à y participer. Il est du devoir des hommes de l’aider à rejeter tous les préjugés et à prendre part à la grande lutte. Que personne ne sous-estime sa force, et ne pense que son aide est sans conséquence ». En 1913, ce livre avait été réimprimé 50 fois ! De la même façon, le livre d’Engels de 1884 sur « L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’Etat », donne une explication lumineuse sur les causes de l’oppression des femmes et sur le fait que l’emploi de la main d’œuvre féminine sur une grande échelle – comme les guerres impérialistes avec les hommes au front, et le développement économique capitaliste avec son besoin de main d’œuvre, le permirent – fut une étape essentielle sur le chemin de leur émancipation. Aujourd’hui en effet, en réduisant, le plus souvent en les simplifiant (mécanisation, écoles, crèches, etc) leurs fonctions de ménagères et d’éducatrice et en leur fournissant une autonomie financière vis à vis de leurs compagnons (ou sans compagnon), un coup presque fatal est porté à leur tutelle sociale familiale et par la même à la cellule familiale. D’une double exploitation, famille et salariat, la femme prolétaire accède progressivement mais le plus souvent incomplètement à l’exploitation unique, celle patronale. Creuse, vieille taupe !

Avec Engels dans l’Anti-Dühring et Marx dans la Sainte famille, félicitant Charles Fourier d’avoir été le premier à le percevoir, nous clamons que « le degré d’émancipation de la femme est la mesure naturelle de l’émancipation générale », et donc aussi celle de l’homme mâle. Fourier ajoutait : « L’avilissement du sexe féminin est un trait essentiel à la fois de la civilisation et de la barbarie, avec cette seule différence que l’ordre civilisé élève chacun des vices que la barbarie pratique en mode simple, à un mode d’existence composé, à double sens, ambigu et hypocrite... Personne n’est plus profondément puni que l’homme du fait que la femme est maintenue dans l’esclavage».


Les origines glorieuses, socialiste et communiste, de la journée du 8 Mars

Revenons-en à l’oppression de la femme et à la journée du 8 mars. Avec le développement d’une société qui avait de plus en plus besoin de la main d’œuvre féminine, les revendications d’un statut social plus égalitaire entre l’homme et la femme se firent donc plus vivaces. Le mouvement dit « féministe » prit pourtant rapidement deux voies : celle bourgeoise qui ne remettait pas en cause les rapports d’exploitation du salariat, et celle social-démocrate qui à la fin du 19ème siècle se revendiquait encore du marxisme.

Au sein de la II Internationale, dominée par la social démocratie allemande en raison du développement économique fulgurant du pays, ce fut la militante allemande Clara Zetkin qui s’empara du problème de l’oppression des femmes, dénonçant le mouvement féministe « bourgeois » qui ne remettait pas en question le capitalisme et n’amenait surtout pas les femmes à la lutte de classe. Lors du congrès de fondation de la II Internationale en 1889, Zetkin rappelait que « la question de l’émancipation des femmes est, en définitive, la question du travail féminin » en demandant une législation respectant le principe « à travail égal, salaire égal » quelque soit le sexe. Aujourd’hui encore, cet appel reste un vœu pieu, même dans les pays les plus développés.

Il s’agissait donc pour nos socialistes du début du 20ème siècle de faire participer les femmes travailleuses au mouvement politique de lutte de classe. En 1896, au congrès de Gotha du parti social démocrate allemand, Zetkin défendit ardemment, contre l’avis d’autres militants dont les révisionnistes bernsteiniens, la séparation nette du mouvement des femmes prolétaires d’avec le mouvement bourgeois des droits de la femme : ces deux mouvements n’ont pas plus en commun entre eux que la social démocratie avec la société bourgeoise, clamait Zetkin. La femme prolétaire est une combattante dans la lutte des classes et son émancipation ne pouvait pas être l’œuvre des femmes de toutes les classes ; seul le prolétariat tout entier, sans distinction de sexe, pouvait conduire à l’émancipation des femmes prolétaires.… et, ajoutons nous, par la révolution communiste, à l’émancipation de toutes les femmes !

Propagandiste acharnée du mouvement féminin socialiste depuis les années 1890, Zetkin fut donc à l’origine d’un mouvement des femmes prolétariennes, en opposition à celui du mouvement des femmes bourgeoises. En raison de l’interdiction de l’engagement politique des femmes par la loi prussienne sur les associations datée de 1850 qui perdura jusqu’en 1908, les femmes allemandes ne pouvaient pas adhérer au SPD. Zetkin organisa une structure parallèle et autonome au sein du parti social démocrate et dès 1900 une conférence des femmes se tenait avant le congrès du parti. Quand elles furent autoriser à participer à l’activité politique, le parti social démocrate envisagea de supprimer la section féminine mais Zetkin, avec raison, s’y opposa car les temps n’étaient pas mûrs !

La première conférence internationale des femmes socialistes à l’initiative de Zetkin eut lieu à Stuttgart où elle résidait, en 1907, rassemblant les mouvements féminins des différents partis de la IIème Internationale et formant l’Internationale socialiste féminine, ISF. La conférence réfutait toute alliance de classe et réclamait le suffrage universel pour les femmes travailleuses, car le mouvement bourgeois des suffragettes revendiquait le droit de vote dans les mêmes conditions que les hommes ; or le système censitaire (le vote était fonction d’un certain niveau, le cens, de paiement des impôts) excluait les ouvriers dans de nombreux pays, contrairement au suffrage universel. Mais à l’opposé des féministes bourgeoises, cette revendication démocratique n’était pas une fin en soi pour les socialistes et n’était pas séparée de la lutte de classe.

Une première journée nationale de la femme eut lieu le 28 février 1909 à l’appel du parti socialiste d’Amérique et ce jusqu’en 1913. Le mouvement « féministe » y était très développé depuis la moitié du 19ème siècle et visait entre autre l’obtention du suffrage électoral pour les femmes qu’elles obtinrent en 1920.

La 2ème conférence internationale qui réunissait des femmes de 17 pays dont la bolchevique Alexandra Kollontaï, eut lieu en août 1910 à Copenhague, et à la demande de Zetkin fut créée la Journée internationale des femmes ; le 19 mars fut proposé en hommage au succès de l’insurrection de 1848 en Prusse à Berlin, et elle était posée comme indissociable de la lutte de tous les travailleurs quelque soit leur sexe. Cette journée rencontrait pour une première fois beaucoup de succès le 19 mars 1911. Plus d’un million de femmes, pas uniquement organisées par les partis social démocrates, manifestaient en Allemagne, en Autriche, au Danemark et en Suisse pour le suffrage féminin, et d’innombrables assemblées se formaient ce jour là. En 1913, dans le cadre d’un mouvement contre la guerre, les femmes russes célébraient leur première journée internationale des droits des femmes le dernier dimanche de février 1913, et en mars pour les autres pays d’Europe.

Le travail de propagande fut efficace. Au SPD le nombre de militantes passait de 4000 en 1905 à 174 754 sur 1 085 905 membres en 1914, soit 16%, le plus souvent liées à l’aile gauche du parti. Le journal, fondé par Zetkin, Die Gleichheit (L’Égalité) avec le sous titre « le journal pour l’intérêt des travailleuses », publié de 1892 à 1923 (Zetkin en fut écartée en 1917), devenait la principale publication de l’organisation féminine du parti social démocrate allemand. Il passait de 4000 exemplaires en 1902 à 124 000 en 1914. Il en fut de même pour les syndicats allemands avec 216 000 femmes syndiquées en 1914, pour 2,5 millions de syndiqués.

Une conférence de l’ISF eut lieu pendant la guerre en Suisse en 1915, réunissant trois grandes militantes, l’allemande Clara Zetkin, les russes Alexandra Kollontai et Inès Armand.

Mais ce furent des manifestations d’ouvrières à Petrograd le 8 mars 1917 (23 février dans le calendrier russe d’alors), réclamant du pain et la fin de la guerre, qui provoquèrent un saut révolutionnaire en Russie et qui désigna cette date aux partis communistes pour mobiliser les femmes. Le flambeau révolutionnaire russe allait illuminer le reste du monde prolétarien pendant quelques années, laissant entrevoir les lumières d’une société communiste future.

Il faut souligner que malgré tous ces efforts, au sein même de l’organisation politique socialiste, la situation des femmes n’était pas toujours facile. Au fur et à mesure que le SPD était gagné par le réformisme avec l’appui des syndicats menés par Legien, le travail des femmes militantes au sein du parti fut de plus en plus entravé surtout dans les années précédant la guerre de 14-18. Zetkin rencontra au sein même de son parti des oppositions de femmes et d’hommes qui lui reprochaient, Bebel y compris, son intransigeance vis à vis du mouvement féministe bourgeois. Carl Legien menaçait dès 1908 de lancer un journal syndical féminin pour concurrencer celui dirigé par Zetkin, Die Gleichheit (l’Egalité) en raison de son soutien à la grève de masse à laquelle les réformistes syndicaux et sociaux démocrates étaient opposés. En 1910, la centrale du parti refusa de convoquer une conférence des femmes socialistes avant le congrès en invoquant des difficultés financières. Le bureau des femmes du SPD était dissous en 1912, Zetkin était de plus en plus marginalisée comme toute l’aile gauche derrière Rosa Luxemburg.


Le droit de vote des femmes

Une des revendications fondamentale pour la condition des femmes, hormis leurs droits dans le travail salarié, fut celui du suffrage électoral. Le parti social démocrate allemand inscrivit dans son programme le droit de vote pour tous les citoyens hommes et femmes dès 1891, et ce fut le seul parti à le faire. A partir de 1891 paraissait le premier journal socialiste féministe Die Arbeiterin (la travailleuse) auquel succédait Die Gleichheit de Zetkin. Le suffrage universel réservé aux hommes existait dès le début du Reich en 1871, mais en Prusse le système censitaire demeurait avec trois niveaux, les votes ayant des poids différents en fonction des recettes fiscales, ce qui excluait évidemment les ouvriers !

En avril 1917, l’empereur annonçait l’abolition du suffrage de classe en Prusse en récompense de l’effort de guerre mais pas le suffrage des femmes, pourtant très impliquées dans l’effort de guerre dans le cadre du service national des femmes ! Le 2 octobre 1918, alors que l’Allemagne était gagnée par la fièvre révolutionnaire, le parlement approuvait le droit de vote égal mais pour les hommes seulement. Début novembre 1918 de grands rassemblements de femmes bourgeoises et social démocrates étaient organisés à Berlin, Hambourg et Munich. Lorsque que l’insurrection de novembre 1918 en Allemagne porta au pouvoir le 9 novembre 1918 le gouvernement des « commissaire des peuples », alliance de sociaux démocrates de droite et de « gauche », qui récoltaient les fruits d’un mouvement des masses qu’ils n’avaient pas voulu, et qu’ils allaient bien vite réprimer, ce dernier promettait des libertés démocratiques, la journée de 8 heures, des conventions collectives, des allocations chômage, etc.. ce que le patronat devait entériner dès le 15-16 novembre. Et le 12 novembre, le gouvernement des « commissaires du peuple » proclamait le suffrage universel pour tous les hommes et toutes les femmes à partir de 20 ans : en effet ce gouvernement prévoyait déjà de reprendre le pouvoir aux conseils ouvriers et de soldats avec les élections d’une assemblée nationale dont la date fut décidée en décembre pour le 19 janvier 1919. Elle eurent bien lieu mais sur les cadavres des insurgés de Berlin. Dramatique exemple, mais ô combien révélateur, de l’utilisation que font les classes dominantes des élections.

CCela faisait de l’Allemagne l’un des premiers pays européens après la Finlande en 1906, la Norvège en 1913 et la Russie avec la révolution de février 1917 à introduire le suffrage féminin. Ce fait était salué dans un article de l’organe spartakiste, La Rote Fahne n°7, du 22 novembre 1918 par un article sollicité par Rosa Luxemburg, rédigé par Clara Zetkin, et intitulé « Les femmes et l’Assemblée nationale » avec un paragraphe « Merci aux femmes ». Zetkin s’adressait à toutes les femmes travailleuses pour leur rappeler l’importance de leur participation à la politique, dénonçant la stupidité qui faisait d’elles juste avant des « immatures » pour pouvoir voter, alors qu’elles avaient obtenu en l’espace de quelques jours le droit de vote. Mais il était bien clair que cette avancée pour les femmes ne pouvait être importante que dans le cadre du mouvement prolétarien et non en dehors, comme cela fut le cas dans les années qui suivirent et ce pour tous les pays qui y accédèrent : ce ne fut alors qu’un moyen parmi tant d’autres pour atteler les femmes au char démocratique mené par les classes dirigeantes.

Malgré l’effervescence causée par les événements à Berlin avec l’arrivée au pouvoir des usurpateurs sociaux démocrates le 9 novembre, la faillite des conseils des travailleurs et des soldats qui remettaient le 10 novembre au gouvernement tous leurs pouvoirs acquis glorieusement dans les luttes des semaines précédentes à travers toute l’Allemagne, les spartakistes avec leur journal et lors de meetings dénonçaient les méfaits des sociaux démocrates, malgré les attaques de plus en plus odieuses de la presse bourgeoise et social démocrate contre les « voyous spartakistes ». Les deux militantes Luxemburg et Zetkin accordaient une grande attention à la question des femmes dans la révolution. Luxemburg soutint toujours Zetkin dans le combat des femmes, et soulignait encore en ce moment révolutionnaire de novembre-décembre 1918 en Allemagne l’importance de l’agitation parmi les femmes, leur rôle crucial dans la révolution, déclarant que « c’est une question si urgente. Chaque jour perdu est un péché ! », proposant, dans une lettre adressée à la Zetkin le 24 novembre, un supplément quotidien à la Rote Fahne – le journal spartakiste démarré dès le 10 novembre – directement axé sur les problèmes féminins, voire un journal féminin distinct. Mais les évènements de janvier 1919 avec sa terrible répression contre les communistes sonnaient le glas de leurs efforts communs.

En avril 1920 était créée l’Internationale communiste des femmes ICF liée à l’Internationale Communiste. Son secrétariat présidé par Zetkin comprenait 8 femmes dont six russes, une néerlandaise, et une suisse. Une conférence eut lieu en août 1920 à Moscou avec 82 déléguées de 28 pays en parallèle au 2ème congrès de l’IC. Au 3ème congrès de l’IC en 1921, fut approuvé le rapport de la Kollontai sur la propagande parmi les femmes. L’ICF publiait alors un magazine intitulé l’IC des femmes, bimestriel, qui paraissait de 1921 à 1925. D’autre partis communistes publiaient aussi des revues pour les femmes comme Camarade (Compagna) du PC d’Italie, La Messagère des Pays bas, trois revues en Tchécoslovaquie, et trois revues en Russie. Mais si le travail de propagande organisé par Kollontaï eut un énorme succès en Russie, l’ICF connut plus de difficultés dans les autres pays. Zetkin donnait une place centrale à la journée internationale des femmes du 8 mars et à l’organisation spécifique des femmes dans le mouvement communiste. Mais dès 1925, le comité exécutif de l’IC, en cours de dégénérescence, décidait de réorganiser les mouvements communistes des femmes : le secrétariat international des femmes devenait une section des femmes du comité exécutif, la publication de L’ICF était suspendue « pour des raisons financières ». L’autonomie du mouvement des femmes communistes se terminait ainsi en mettant fin à une organisation spécifique féminine dans l’Internationale communiste, devenue désormais contre-révolutionnaire. L’ICF fut officiellement dissoute en 1930.


La “nouvelle femme” d’Alexandra Kollontaï

En effet la militante Alexandra Kollontai qui représentait alors les ouvrières du textile de Saint Pétersbourg rejoignait au congrès de l’ISF de 1910 les combats de Zetkin et même avant cela. Elle avait depuis les années 1900 commencé au sein du parti social démocrate russe le combat pour les femmes ouvrières en demandant une commission spéciale pour les femmes au sein du parti. Elle dut fuir la Russie en 1908 et ne revint qu’en 1917. Elle rejoignit les bolchéviks en 1915, et fut commissaire du peuple aux affaires sociales et des questions de la femme du gouvernement bolchevik de 1917, puis ambassadrice en Norvège en 1923. Ce fut la première « ministre » et ambassadrice femme de l’histoire. Elle fut une incroyable propagandiste de l’affranchissement des femmes, s’attelant à faciliter le divorce, l’union libre, la légitimité des enfants hors mariage, le droit à l’avortement et à la contraception, un salaire égal pour un travail identique, etc., avec l’appui sans faille de Lénine. Sa conception de l’amour « libre », où la sexualité était dissociée de l’amour – conception sur laquelle Lénine et Zetkin se montraient beaucoup plus sceptiques -, lui valut quelques désaveux. Elle fut à la tête du département chargé de l’action auprès des femmes, au comité central, le Jenotdel, créé en 1919 (dissous en 1930), avec InèsArmand (morte en octobre 1920 du choléra) mais sa mise à l’écart à partir de 1921 fut la conséquence de son ralliement à une fraction, l’Opposition ouvrière, au sein du parti bolchévik, critiquant la bureaucratie du parti, réclamant un contrôle plus démocratique des travailleurs et des syndicats sur le parti. Au 3ème congrès de l’IC de juin 1921, elle attaquait durement la nouvelle politique économique ou NEP. Le comité central demanda son exclusion en 1922 ce que le congrès du parti russe refusa. Elle fut alors envoyée à Oslo comme ambassadrice.

Dans son livre les « femmes nouvelles » de 1913, elle affirmait :

« Qui sont-elles donc ces femmes nouvelles ?
Ce ne sont pas les charmantes et "pures" jeunes filles, dont le roman s’interrompait par un heureux mariage; ce ne sont pas des épouses, souffrant de l’infidélité du mari ou coupables d’adultères elles-mêmes; ce ne sont pas de vieilles filles, pleurant un amour malheureux de leur jeunesse; ce ne sont pas des "prêtresses de l’amour", des victimes de tristes conditions de vie ou de leur propre nature "vicieuse". Non, c’est un nouveau, un "cinquième" type d’héroïnes, inconnu auparavant, un type d’héroïnes avec ses propres exigences devant la vie, un type qui affirme sa personnalité, qui proteste contre le multiple asservissement de la femme dans l’État, dans la famille, dans la société, un type qui lutte pour ses droits et qui représente le sexe. "Femmes célibataires", tel est le nom qu’on donne de plus en plus souvent à ce type. »

Mais le combat des femmes était irrémédiablement liée pour Kollontaï à la lutte de classes. Le militantisme de Kollontaï parmi les femmes travailleuses s’exerçait au travers de réunions, de sections féminines dans les quartiers, les entreprises, les ateliers, avec des antennes essaimées sur tout le territoire soviétique.

Et lors du 3ème congrès de l’IC en juin 1921, les thèses pour la propagande parmi les femmes, présentées par Kollontaï, appuyée par Zetkin, affirmaient :

« Pour accomplir la mission fondamentale des sections, c’est-à-dire l’éducation communiste des grandes masses féminines du prolétariat et le renforcement des cadres des champions du communisme, il est indispensable que tous les Partis Communistes d’Orient et d’Occident s’assimilent le principe fondamental du travail parmi les femmes, qui est celui-ci : « Agitation et propagande par le fait ».

Agitation par le fait veut dire avant tout action pour éveiller l’initiative de l’ouvrière, détruire son manque de confiance en ses propres forces en l’entraînant au travail pratique dans le domaine de l’organisation et de la lutte, pour lui apprendre à comprendre par la réalité que toute conquête du parti communiste, toute l’action contre l’exploitation capitaliste, est un progrès soulageant la situation de la femme (…) La propagande de l’idée communiste par le fait consiste, dans la Russie des Soviets, à faire entrer l’ouvrière, la paysanne, la ménagère dans toutes les organisations soviétiques, en commençant par l’armée et la milice et en finissant par toutes les institutions visant à l’affranchissement de la femme (...) ».

IIl est à souligner que dans les différentes insurrections allemandes des années 20, dans la formation de troupes armées révolutionnaires, il n’est jamais fait mention par les historiens de l’existence de bataillons féminins, alors que dans la révolution russe, quinze formations de combat féminin furent formés après la révolution de Février 1917 dont deux furent déployés sur le front, et bien d’autres dans les villes de toute la Russie. Ces bataillons de femmes furent progressivement dissous en raison de l’hostilité des soldats et de responsables bolcheviks dès 1918.

En 1926, le comité exécutif du parti russe s’opposait à la constitution d’organisations séparées de femmes prolétariennes. Et avec la dégénérescence de l’IC, l’ardent plaidoyer de Kollontaï et de Zetkin fut bien vite enseveli sous le poids de la contre-révolution stalinienne et le retour au modèle familial traditionnel.


La triste fin de la Journée internationale de la femme dans l’illusion démocratique

Après 1945, l’origine communiste de la journée du 8 mars fut oubliée et noyée dans l’effort de « communion » nationale soutenue par les partis devenus staliniens et contre-révolutionnaires!

Pendant de nombreuses années, le 8 mars était fêté uniquement dans les pays de l’URSS et par les partis dits « communistes ». Ce fut à partir des années 1960 et du mouvement de 1968 avec sa vague « féministe » que les manifestations pour le 8 mars se multiplièrent et furent ainsi investies par les partis démocratiques de tout horizon. En 1975, l’Organisation des nations unies décrétait l’année internationale des femmes et en 1977 adoptait le 8 mars comme « Journée internationale de la femme » qui devenait en 2016 « Journée internationale des Femmes ». En France, en 1982, à l’initiative du mouvement féministe bourgeois, le président socialiste Mitterrand donnait un statut officiel à la journée du 8 mars en l’intitulant : la journée des droits de la femme tandis que l’ONU préférait celui de journée des droits des femmes, le singulier niant la multiplicité des femmes. Subtilité démocratique donnant la place primordiale à l’individu pour mieux l’écraser ! En bref, cette journée devenait l’occasion pour de nombreux mouvements bourgeois et petit-bourgeois d’afficher la journée comme une dénonciation des méfaits subis par les femmes quelque soit leur classe, cultivant à souhait le plus souvent leur statut de victimes aux dépends de leur capacités combatives.

On est bien loin des années révolutionnaires de 1917 et de ses appels flamboyants. La journée du 8 mars est désormais une fête « populaire », menée par une bouillabaisse de mouvements, des groupuscules gauchistes aux partis de droite, qui défilent ainsi de la même façon devant le corps embaumé de Lénine au Kremlin, annulant tout signal révolutionnaire. Du tourisme démocratique qui éteint la moindre étincelle de lutte de classe. L’illusion d’un combat des femmes avec sa liste de vœux pieux et son culte démocratique se perpétue ainsi, et le nombre en augmentation de féminicides au sein des familles et en dehors, de licenciements abusifs, demeure un triste témoin des rapports désastreux du système patriarcal que la crise économique qui sévit, accentuera.

Voici l’enseignement des grandes militantes du mouvement des femmes communistes : sans lutte de classe et sans le guide du parti communiste international et des organisations syndicales de classe, sans révolution communiste, il n’y a pas de vrai combat des femmes et aucune issue permettant la fin de leur oppression.

Le chemin de la lutte des femmes contre leur oppression ne peut être que le chemin de la lutte contre toutes les oppressions. Comme l’affirmait Zetkin : « La femme prolétaire n’obtient pas son émancipation comme la femme bourgeoise, et avec elle, en luttant contre l’homme de sa propre classe sociale ; au contraire, elle la conquiert en même temps que l’homme de sa classe sociale en luttant contre la société bourgeoise et même contre le gros des dames de la bourgeoisie ».

Les femmes pour se libérer irrémédiablement de l’oppression qu’elles subissent n’ont pas d’autre choix que de rejoindre leurs compagnons travailleurs en lutte pour détruire la société actuelle et construire une nouvelle société, une société sans classe et sans oppression !

Qu’advienne la révolution où les prolétaires des deux sexes, organisés dans des syndicats de classe guidés par le Parti communiste International, suivront, ensemble et sans rôle distinct en fonction de leur sexe, le chemin du combat contre la classe dominante !