Parti Communiste International
Mars 2017
LES INTÉRÊTS OPPOSÉS DES IMPÉRIALISMES DANS LES CONFLITS ACTUELS DU MOYEN ORIENT  

La Syrie, après l’Irak, va devenir le champ de bataille des impérialistes et la proie d’une guerre civile démarrée en 2011, suite à une insurrection contre le régime de Bachar, qui s’inscrit dans le cycle des révoltes du « printemps arabe » de 2011. Ce pays, lié à la Russie et à l’Iran, coincé entre son concurrent régional, la Turquie au nord, et Israël et le Liban au sud, constitue un couloir clé pour le passage des oléoducs et des gazoducs arabes et iraniens qui pourraient approvisionner le marché européen.

La Turquie, qui balance entre d’un côté l’ « ami » américain et l’OTAN, et de l’autre l’ « ami » russe qui lui fournit 55 % du gaz dont elle a besoin (la Turquie est le second plus grand acheteur de gaz russe après l’Allemagne) est à la recherche d’alternatives pour son approvisionnement en énergie, comme cela est le cas également pour l’Europe. La Turquie s’est donc tournée vers le gaz du Kurdistan irakien et des projets de construction d’un pipeline sont en vue entre les deux pays d’ici 2019.

Un projet de pipeline passant par la Syrie a vu le jour en 2009: partant du Qatar (3ème producteur mondial en gaz, il cherche une voie lui permettant de ne pas utiliser le détroit d’Ormuz contrôlé par les Iraniens) et passant par l’Arabie Saoudite, la Jordanie, la Syrie et la Turquie. Or en 2009, Bachar el-Assad, proche alors de la Russie, refuse ce projet, ce qui mécontente grandement l’administration américaine et ses alliés (Qatar, Arabie Saoudite, et la Turquie). Il approuve au contraire en 2011 avec la Russie un pipeline partant des champs de gaz iranien, passant par la Syrie jusqu’aux ports du Liban, et donc sous contrôle russe ; sa construction est désormais bloquée par la guerre civile.

Les grandes puissances comme les États Unis avec ses satellites européens, turc, l’Arabie Saoudite et le Qatar, encouragèrent l’insurrection de mars 2011 en Syrie, désireux pour des raisons d’influence stratégique et économique, de redistribuer les cartes régionales.

Les forces d’opposition au régime de Bachar s’organisèrent en un front avec 13 partis de « gauche », trois partis kurdes et diverses personnalités sous le nom de Comité de coordination pour le changement démocratique national, tandis que les soldats et officiers déserteurs de l’armée syrienne fondaient en Turquie l’Armée syrienne libre, nationaliste et démocratique, qui regroupait 50 factions à l’idéologie disparate. En effet l’ASL n’est pas très homogène et en 2013, des groupes de l’ASL font défection, certains rejoignant les djihadistes du Front al-Nosra (branche officielle d’ Al Qaïda en Syrie, créée en 2011 au début de l’insurrection syrienne, devenue en 2016 Jabhat Fatah al Cham après avoir rompu avec Al Qaïda et Daech, elle combat de nombreuses fois aux côtés de l’Armée Syrienne Libre).

Une des bases de l’ASL est installée en Turquie, et est donc contrôlée par l’armée turque. Elle rejoint en 2012 une coalition nationale des forces de l’opposition à Bachar qui comprend des groupes djihadistes et salafistes, organisés par l’Arabie Saoudite, le Qatar, et la Turquie, ces groupes djihadistes lourdement équipés devenant bien vite la force armée dominante.

Dès mars 2011, le régime de Bachar aux abois fait de nouveau appel au PKK, qu’il a pourtant trahi et pourchassé depuis 1998. Il s’agit pour le dictateur de jouer de l’opposition entre arabes et kurdes et de mettre de l’ordre dans les régions kurdes du nord de la Syrie qui se sont elles aussi soulevées contre le régime honni des Assad. Et le PKK avec sa branche syrienne, le PYD, va accepter de trahir à nouveau, comme il l’a fait dans les années 80, les Kurdes de Syrie et de les sacrifier à ses folles ambitions régionales en Turquie !

Bachar fait libérer 600 cadres et militants du PYD et accepte l’arrivée de 3 000 combattants du PKK venus de l’enclave de Qandil dans le Kurdistan irakien. En juillet 2012, l’armée du régime peut ainsi se retirer tranquillement des zones kurdes du nord, laissant les troupes du PKK sévir contre les partis kurdes syriens anti-Bachar.

En juillet 2012, le GRK de Barzani tente de parrainer un accord entre le PKK/PYD d’une part et le Conseil National Kurde anti Bachar. Mais le premier préfère s’entendre avec Bachar qui lui laisse Jazira entre la Turquie et l’Irak, et la région autour d’ Afrin au nord-ouest d’Alep. En novembre 2013 des représentants kurdes dont ceux du PKK-PYD, et arabes déclarent un gouvernement dans la région, et en janvier 2014, ils proclament une Constitution du Rojava.

Mais c’est principalement le PKK-PYD qui va progressivement établir un gouvernement ; avec sa branche armée, les Unités de défense du peuple YPG, il proclame un collectivisme économique, un socialisme libertaire et un confédéralisme démocratique. Le pouvoir décisionnel et la logistique militaire restent dans les mains du PKK de Qandil en Irak qui désigne les commandements, dont beaucoup sont attribués à des militants iraniens ou turcs. Les YPG, dont le nombre de combattants est estimé entre 20 000 à 50 000 (avec un grand nombre de femmes), vont jouer un rôle essentiel dans le conflit syrien ; elles n’affronteront que très sporadiquement les forces du régime de Bachar et s’allient tactiquement en 2011 avec l’Armée syrienne libre et son paravent islamiste sunnite considéré alors comme acceptable par les opinions publiques occidentales.

Les ennemis principaux du PYD vont rapidement être les groupes armés islamistes avec l’Etat islamique, le Front al-Nosrah, ou des salafistes proches des Frères musulmans et de la Turquie.

En mai 2013, le Haut Conseil Kurde fondé en 2011 à Erbil en Irak sous l’égide de Barzani, formé d’une douzaine de partis kurdes syriens dont le plus important est le PYD, est invité lors des tentatives de paix de la Conférence de Genève à laquelle participent les USA, la Russie, l’Union européenne et les forces d’opposition au régime de Bachar. Rien n’en sort.

Mais le ballet des alliances de circonstances n’est pas terminé !
 
La valse des alliances et des reniements : coalition anti‑Daech ou anti‑prolétarienne ?

En 2014, Daech est devenu officiellement gênant pour Washington et Moscou. Leurs intérêts sont divergents mais ils peuvent se retrouver un moment pour combattre leurs ennemis communs.

Mais quels sont réellement leurs ennemis communs ?

Daech, comme Al Qaida, et d’autres groupes islamistes sunnites se sont formés et développés avec l’aide des USA et de ses sbires européens et moyen-orientaux dont la Turquie, l’Arabie Saoudite, le Qatar, afin de déstabiliser les puissances gênantes comme la Russie en Afghanistan et dans ses zones musulmanes, puis la Syrie et l’Iran chiite, liés à la Russie.

Les groupes djihadistes ont reçu des flux importants de combattants étrangers, en provenance du Maghreb, d’Europe, sans parler de la Russie et de la Chine ; ce flux s’est désormais tari depuis 2015. La créature monstrueuse ayant dépassé le but à atteindre, il faut désormais la neutraliser.

Mais l’autre enjeu fondamental pour les deux compères russe et américain qui savent se serrer la main à l’ONU quand il le faut, est également d’empêcher tout soulèvement populaire dans les régions syrienne et irakienne. Le front bourgeois s’unit chaque fois qu’il s’agit de combattre toute velléité de rébellion des masses. Si une insurrection contre le pouvoir en place et les bourgeoisies en général se produisait dans n’importe quel pays de la poudrière moyen orientale, le risque pour la classe dominante et les impérialistes dominants serait que, en raison des guerres, de la misère, de toutes les souffrances actuelles des masses, elle ne s’étende à tous les pays du Moyen Orient, Iran, Irak, Arabie Saoudite, Égypte, pays du Maghreb ; ces pays subissent désormais ou le chaos de la guerre civile, ou la tyrannie militaire et religieuse. Et d’ailleurs comme cela s’est passé pour Saddam Hussein avant 2003, le but des USA n’est pas de se débarrasser des tyrans comme Bachar avec lequel on peut toujours discuter et dont le rôle majeur reste celui d’opprimer les masses déshéritées, mais d’éviter tout soulèvement, voire même toute ébauche d’un mouvement démocratique en Syrie.

Le peu de soutien militaire fourni aux partis démocratiques d’opposition par le camp US et européen en est une nouvelle démonstration. Car derrière le mouvement des masses, il y a toujours un risque de soulèvement prolétarien ; la grande peur des bourgeoisies du monde entier.

Nous ne reviendrons pas sur l’histoire ininterrompue depuis plus d’un siècle des luttes inter-impérialistes pour la conquête des marchés mondiaux et le contrôle des matières premières et énergétiques, dont le pétrole, et par conséquent des régions stratégiques d’un point de vue économique et militaire, ni sur les affrontements russo-américains au Moyen Orient depuis la deuxième guerre mondiale, ni sur la politique de chaos au Moyen Orient menée par la puissance économique et militaire dominante US depuis des décennies. Sa maîtrise du Moyen Orient passe par une politique d’encerclement géographique depuis 1945 de l’URSS puis de la Russie, et se poursuit aujourd’hui encore, tandis que son concurrent majeur, la Chine, est sur le point de la dépasser économiquement, et appuie discrètement mais sûrement son compère russe. L’impérialisme US maîtrise une bonne partie du Moyen Orient et des ses richesses, et est depuis quelques années en tractation avec l’Iran, ex alliée passée depuis 1989 dans le camp « ennemi ».

La Russie n’est guère moins cynique et mène son jeu impérialiste. La moitié du budget fédéral russe est financé par la vente de gaz et de pétrole, et d’autre part la dépendance énergétique des états acheteurs renforcent le rôle diplomatique russe.

La course à l’énergie pour nourrir le monstre capitaliste demeure donc une des raisons fondamentales de tous ces conflits inter-impérialistes et inter-étatiques. Que ce soit le charbon au 18-19ème siècle, puis le pétrole à la fin du 19ème siècle, les grandes puissances impérialistes ont pu s’imposer grâce à ces énergies. La découverte du gaz de schiste, spécialement au Texas, donne encore une impulsion à l’économie USA. Et le contrôle des approvisionnements en énergie demeure le nerf de la guerre entre les grandes puissances pour contrôler le marché mondial, sachant que dans les décennies à venir, ce sont les régions indo-pacifiques et donc asiatiques qui en seront les plus grandes consommatrices, en particulier la Chine.

Certaines analyses prévoient qu’en 2030, 80 % du pétrole chinois proviendra du Proche-Orient et 90 % dans le cas de l’Inde, l’intégralité des ressources en pétrole et en gaz du Japon et de la Corée du Sud, tandis que la Chine pourra également se tourner vers les ex-États soviétiques de l’Asie centrale.

Le pion syrien est donc important pour Moscou. Les relations d’entente et de vente d’armes de la Russie avec la Syrie datent de 1946 et se sont renforcées dès 2003 avec Poutine. Le pays, désormais passé derrière la Chine en tant que grande puissance impérialiste, a un objectif militaire et stratégique à atteindre : consolider le pouvoir de Damas sur la « Syrie utile » où les Russes disposent de deux bases qu’ ils entendent conserver sur la Méditerranée – une base maritime sur le port de Tartous au nord du pays et une base aérienne à Heimim au sud-ouest de Lattaquié – en laminant l’opposition armée encore présente dans les grands centres urbains comme Alep. Poutine se soucie du fait que l’éclatement de la Syrie pourrait lui faire perdre son pied à terre syrien, ses bases militaires et un contrôle des flux pétrolier et gazier en Syrie, qui également est pour lui un gros client pour ses ventes d’armes ; d’autre part la chute du pouvoir syrien et la main mise américaine sur le pays renforceraient non seulement le concurrent américain, mais aussi ses sbires, l’Arabie saoudite et le Qatar. En outre Poutine craint une percée des intégristes de Daech dans le Caucase et la Tchétchénie.

Dans ces conditions, les batailles diplomatiques et militaires pour la suprématie des oléoducs et des gazoducs au Moyen Orient seront toujours au centre des jeux de pouvoir internationaux.

La coalition arabo-occidentale en Irak et en Syrie anti-Daech s’organise en 2014 sous l’égide des USA avec une soixantaine de pays. 7 500 hommes seraient « officiellement » utilisés dans cette coalition dont des forces, américaines (4 600 militaires) qui interviennent pour 80 % des frappes, françaises (500 militaires pour des missions de formation auprès des forces irakiennes et des peshmergas, et un appui aérien et de la marine avec le porte-avion Charles de Gaulle), à laquelle se joignent des forces anglaises, canadiennes, australiennes, belges, allemandes et jordaniennes. La Turquie, la Russie, l’Iran et Damas n’y participent pas, mais l’Iran aide les Kurdes de Barzani, et dès 2015 l’ennemi commun déclaré officiellement est Daech. La coalition est appuyée par les forces irakiennes et les peshmergas kurdes (nord de l’Irak avec 6 000 combattants), auxquelles elle fournit du matériel, tout en organisant les champs d’opération et les frappes aériennes essentielles.

Le pion Turquie reste un élément stratégique fondamental pour les deux camps russe et américain qui se le disputent. Ce pays constitue un carrefour entre l’Europe, le Moyen Orient et la Russie (Caucase et Géorgie). Elle appartient à l’OTAN, les USA et l’OTAN l’utilisant comme bouclier anti-russe et comme point d’appui à partir de ses bases militaires pour leurs opérations dans la région (c’est à Izmir, sur la côte est de la Turquie que se trouve un des importants QG de l’OTAN ainsi qu’une base militaire US, et les troupes de la coalition ont la permission d’utiliser des bases près de la frontière syrienne).

La Turquie tente donc de jouer sur plusieurs tableaux car ses partenaires sont nombreux : l’UE, les USA, la Russie. Pour l’UE, la Turquie est un partenaire important suite à l’accord passé sur la question des migrants à Bruxelles en mars 2016 dans lequel le gouvernement turc accepte d’organiser un barrage au flux migratoire qui se dirige vers l’Europe. De plus les échanges économiques de la Turquie avec l’Union européenne (surtout l’Allemagne) et les USA restent très importants.

Le gros du commerce turc se fait avec l’Europe, qui représentait en 2015, 44,5 % de ses exportations et 38 % de ses importations. Par contre pour l’Europe, évidemment, la Turquie est loin d’avoir la même importance. Dans le commerce avec l’Allemagne, la Turquie occupe le 14ème rang des exportations allemande et le 17ème rang pour les importation.

Mais la Russie occupe déjà en 2008 une solide deuxième place (après l’Allemagne) dans le chiffre d’affaires des échanges commerciaux turcs et les investissements turcs dans l’économie russe et ceux russe dans celle turque (téléphonie, sidérurgie) sont notables.

Ajoutons pour parfaire l’échiquier compliqué des jeux stratégiques que la Turquie a soutenu les insurgés tchétchènes opposés à Moscou. Les marchandages et les pions à déplacer sont divers et variés !!

La Turquie ambitionne aussi de devenir une plaque tournante sur le marché énergétique international et pour cela voudrait intervenir dans les négociations concernant la Syrie. Russes et Américains ont évidemment l’œil à cela. En effet, la côte méditerranéenne syrienne a un rôle stratégique qui pourrait permettre à l’Iran et à l’Irak de transporter leurs hydrocarbures par voie maritime vers l’Europe avec un projet de gazoduc Iran-Irak-Syrie. Le gouvernement régional du Kurdistan, dont les exportations balancent entre la Turquie et l’Iran, négocie avec l’Iran pour construire un oléoduc qui déversera le pétrole venu du Kurdistan irakien dans les oléoducs iraniens pour être utilisé dans les raffineries du nord iranien ; ceci permettrait un développement du Kurdistan iranien, et le Kurdistan irakien deviendrait ainsi moins dépendant de la Turquie. Les intérêts de Téhéran, de Bagdad, d’ Erbil, d’ Ankara et aussi de Moscou, amènent à un jeu diplomatique serré car les flux financiers pourraient créer des sources de tension, principalement entre Erbil et Bagdad.

La Russie combat les velléités de la Turquie à s’autonomiser de sa dépendance énergétique en utilisant les troupes du PKK pour détruire des pipelines avec lesquels la Turquie pompe les ressources du Kurdistan irakien. De son côté, le PKK aspire en Syrie à l’autonomie du Kurdistan syrien, limitrophe de la Turquie, et passe allègrement de soutien américain à celui russe, au grand dam d’Ankara. Le PKK, après la rupture d’Ankara dans les négociations de paix, est intervenu en juillet 2015 pour détruire un train transportant du matériel de construction pour un pipeline (le Trans-Anatolian Natural Gas Pipeline ou TANAP dont la construction a commencé en 2015) qui devrait relier le transport du gaz de la mer Caspienne (Azerbaïdjan) à la Turquie et de là vers l’Europe, l’Europe désirant également réduire sa dépendance énergétique vis à vis de la Russie. Il a aussi organisé un autre sabotage contre un gazoduc acheminant du gaz azéri à la Turquie et qui traverse la Géorgie.

Les USA vont fournir de l’aide dès 2015 aux troupes du PKK-PYD, pourtant alliées de Moscou. Ni le PKK, ni les USA (le PKK est sur leur liste d’organisations terroristes) n’en sont à leur premier changement d’alliance !! Il s’agit évidemment pour les groupes kurdes du PKK d’obtenir également le soutien américain dans leur conquête d’une autonomie et d’un territoire le long de la frontière turque. Mais ce jeu du David et des Goliath signifie simplement que les deux larrons russe et américain ont certains « points de vue » convergents, comme celui de se débarrasser de certains opposants à Bachar, et l’aide de groupes kurdes (PKK et peshmergas) n’est pas inutile. On verra bien si le PKK, écartelé entre Moscou et Washington, va y gagner quelque chose !

La bataille de Kobané, ville kurde syrienne sur la frontière turque, de septembre 2014 à juin 2015, voit ainsi la victoire sur Daech des brigades de l’ Armée syrienne libre, alliées aux troupes du PKK-PYD et aux peshmergas de Barzani, avec le soutien de l’aviation US, ce qui ne fait pas les affaires d’Ankara qui y voit une avancée du PKK.

Dans les médias occidentaux, les forces kurdes syriennes vont être présentées comme le meilleur rempart contre l’Etat islamique, omettant les autres groupes islamistes, y compris ceux que les pays occidentaux soutiennent via la Turquie, l’Arabie Saoudite et le Qatar. Et surtout ils omettent le fait que ces forces kurdes syriennes ne combattent pas ou peu le régime de Bachar puisqu’ils visent à négocier ensuite une Syrie fédérale au sein de laquelle le Rojava disposerait d’une large autonomie politique et administrative ; une promesse russe et américaine sans aucun doute, pour obtenir leur soutien.

La Turquie pour sa part doit donc régler impérativement le problème PKK, car elle est viscéralement et historiquement opposée à toute forme d’autonomie kurde, même fédérale. D’où son acharnement contre les Kurdes turcs et syriens. Bien qu’elle ait soutenu le mouvement de Daech jusqu’alors, Ankara effectue en 2015-16 un changement de stratégie : après des attentats sur le sol turc attribués à Daech, elle rompt les négociations de paix avec le PKK en juillet 2015, et bombarde ses positions dans le Kurdistan irakien ; elle se rapproche de l’ami-ennemi russe tout en proclamant désormais son hostilité à Daech en 2016. Ce changement de stratégie d’Ankara vis à vis du PKK peut s’expliquer par l’action offensive du PKK en Syrie sur la frontière turque et ses ambitions autonomistes avec l’extension du Rojava.

Cette progression s’effectue certes aux dépens de Daech, mais avec le soutien des USA, qui ferment les yeux sur certaines actions du PKK tendant à purifier la région des population non kurdes et à faire taire les voix dissidentes provenant des Kurdes anti-Bachar, et même au sein du PKK.

En effet, dans le PKK s’affrontent depuis plusieurs années deux tendances : celle d’Öcalan, toujours emprisonné, en faveur du processus de paix avec Ankara, et celle du QG de Qandil qui appuie au contraire une relance de la lutte armée en Turquie en profitant de la guerre en Syrie.

D’autre part la percée aux élections législatives de juin 2015 du Parti Démocratique du Peuple, pro-kurde, a fait perdre la majorité absolue au Parlement au parti d’Erdoğan, l’AKP, islamo-conservateur. Erdoğan vise en effet à changer la constitution turque de façon à renforcer ses pouvoirs présidentiels (accès au pouvoir exécutif, à la nomination des ministres, etc.) et l’étrange « coup d’État » de juillet 2016 à Istanbul lui a permis de se débarrasser d’une bonne partie de ses opposants dans l’armée et l’administration. Pour Poutine et Erdoğan, ce « coup d’état », qui étonne par son manque de préparation et l’absence de tout soutien militaire notable, aurait été encouragé par les USA, mais on constate surtout qu’il a profité à Erdoğan en lui permettant de réaliser un nettoyage féroce de toute forme d’opposition. Le 21 janvier le vote du Parlement turc lui offre sa victoire politique de changement de la constitution.

La Russie intervient « officiellement » en septembre 2015 en Syrie à « l’appel » de Bachar pour lutter contre Daech et al-Nosra. Les réactions occidentales sont modestes malgré les incessantes dénonciations des massacres civils syriens par les soldats de Bachar et les troupes russes. La Turquie, hostile à Bachar, quant à elle, réclame une zone de sécurité le long de sa frontière avec la Syrie, menaçant les Européens de ne plus endiguer la vague migratoire !

Les USA ont semblé rester en retrait sur le dossier syrien, depuis septembre 2013 et leur refus « tactique » d’intervenir militairement (La France qui voulait y aller militairement à dû s’incliner), malgré l’usage d’armes chimiques avéré par le régime de Bachar, laissant ainsi le champ libre à l’Iran et la Russie. En effet un accord « publique »est signé à Genève en septembre 2013 entre le secrétaire d’État US, John Kerry, et le ministre des affaires étrangères russe, Lavrov, qui laisse la Russie organiser le démantèlement des armes chimiques de Bachar ! On peut estimer, comme l’histoire de la diplomatie secrète des sociétés de classe nous y a habitué, que des « accords » secrets ont certainement été conclus entre les deux parties.

Aux forces russes, alliées à celles de Bachar et Ankara (malgré les réticences de Damas qui n’oublie pas les ambitions régionales de la Turquie!) auxquelles se joignent des forces iraniennes (avec l’armée d’élite et le hezbollah libanais) reviennent la « pacification » de la Syrie. Et pour le reste des troupes de la coalition (principalement des forces américaines, britanniques et françaises, tandis que les autres pays apportent un soutien matériel et surtout « payent ») menée par les USA, il s’occupe de la reprise des territoires irakiens, de Mossoul et du nord de la Syrie.

Mais quand il le faut, la belle Amérique sait donner un coup de pouce sur le terrain à ses alliés de circonstance, comme elle l’a fait en octobre 2016 en tuant par une frappe aérienne un des chefs militaires les plus important d’al-Nosra, hostile à Bachar.

En effet, cet accord, évidemment tenu secret, passerait par la liquidation des groupes djihadistes anti Bachar dont al-Nosra, et évidemment Daech, et par la neutralisation de l’ASL. Ainsi dès leur entrée « officielle » sur le terrain de bataille, en septembre 2015, les tirs russes visent de manière délibérée les groupes rebelles opposés à Damas (soutenus « modestement » par l’Europe et les USA) tandis que les troupes turques se targuent d’appuyer ces rebelles syriens sunnites.

La prise de Mossoul par Daech, en juin 2014, est suivie d’une campagne d’extermination à l’encontre des Kurdes Yézidis (population kurdophone qui professe une religion proche du zoroastrisme perse). Les combattants du PKK-YPG, venus de Syrie et de de Turquie, s’illustrent alors dans une audacieuse opération qui brise le siège jihadiste dans la montagne du Sinjar, au nord ouest de l’Irak, proche de la Syrie, en décembre 2015. Les USA les soutiennent de nouveau, une collaboration de plus en plus étroite se poursuivant entre les forces spéciales américaines et le PKK, malgré les protestations d’ Ankara qui cherche toujours à avoir un pied militaire au Kurdistan dans sa lutte contre le PKK. La Turquie a ainsi rejoint Barzani pour combattre Daech en Irak afin d’évacuer 100 000 réfugiés Yézidis.

Le 17 février 2016, le PKK détruit la partie turque du gazoduc qui devait transporter du gaz irakien et kurde vers le port méditerranéen de la Turquie, Ceyhan. Il a ainsi fait perdre au gouvernement régional du Kurdistan 300 millions de dollars alors que la situation économique du pays est désastreuse. Le gouvernement du Kurdistan irakien aura donc à négocier avec le PKK, ou trouver d’autres voies pour exporter son gaz et son pétrole en se tournant vers l’Iran. Le PKK à la solde des intérêts russes, et si cela apparaît utile, américains, est utilisé pour maintenir la pression sur la Turquie !! Et d’ailleurs, le PYD inaugurait son premier bureau à l’étranger à Moscou en février 2016.

La bataille d’ Alep au nord de la Syrie, proche du Kurdistan, de janvier-février 2016 montre également le rapprochement entre le PKK-YPG syrien et le régime de Bachar. Les troupes du YPG, accompagnées de conseilleurs américains, assiègent les quartiers tenus par les « rebelles », rebelles que les occidentaux affichent de soutenir contre Bachar. Mais il s’agit bien pour tous les camps bourgeois de se débarrasser des rebelles anti Bachar!!

Les troupes de Bachar, appuyées par les frappes aériennes russes et les combattants chiites iraniens, irakiens et libanais, réussissent à couper l’une des deux routes qui permettent aux rebelles islamistes d’al-Nosrah et des salafistes de joindre Alep et la frontière turque au nord de la Syrie. La bataille d’Alep qui sévit encore en février 2017 apparaît comme un ultime bastion mais aussi un véritable bourbier d’intérêts divergents. Les troupes russes alliées à celles de Bachar bombardent centres de secours, hôpitaux ou encore réserves alimentaires, faisant pousser des cris d’orfraie au camp américain et ses sbires. En effet, quand les Américains s’occupent dans le même temps de la ville de Mossoul en Irak et bombardent des hôpitaux, c’est aux dires de John Kirby, le représentant du commerce US au Moyen Orient, « en conformité avec le droit international », et en protégeant les civils ! En février 2017, la bataille de Mossoul n’est toujours pas terminée.

La coopération entre Damas et les YPG a été des plus fructueuses pour le régime comme pour le groupe kurde dont l’ambition d’une autonomie politique et administrative nécessite pour être viable que les trois provinces d’ Afrin, de Kobané et de Djéziré se rejoignent dans une large bande de terre longeant tout le nord e la Syrie d’ouest en est, formant un mur entre la Syrie et la Turquie, projet de bouclier qui fait fulminer Ankara. Tout semble contradictoire : la Turquie joue sur tous les tableaux : elle s’est rapprochée début 2016 de la Russie qui a aussi dans sa poche le PKK, ennemi du pouvoir turc. Les USA soutiennent également le PKK-PYD syrien considéré comme une organisation terroriste, et coopérant avec l’armée de Bachar sous la protection russe !!

La carte kurde est de nouveau utilisée par tous les acteurs en présence au Moyen Orient, Russie et USA en tête dont l’unique but est de s’entendre pour le partage de la région et d’empêcher toute insurrection armée autonome de la population.

Le PYD a toujours eu une orientation non conflictuelle avec le régime d’ Assad, a soutenu l’intervention russe en Syrie, a profité début 2016 des bombardements russes sur les environs d’ Alep pour conquérir de nouveaux territoires au détriment des forces de l’opposition islamique à Bachar et de l’ASL (Armée syrienne libre). En bref, son but d’autonomie justifie tous les moyens, toutes les alliances et trahisons !

En mars 2016, le PKK-PYD qui contrôlent désormais la presque totalité de la frontière turco-syrienne avec des factions arabes entre le fleuve Euphrate et la frontière irakienne, proclament la création d’une région fédérale dans le nord de la Syrie, annonce rejetée par l’opposition syrienne, le régime de Damas, les USA et la Turquie.

Du côté irakien, l’armée de Bagdad avec l’appui de milices chiites, aidées par le soutien aérien de la coalition internationale et des milices iraniennes, reprend la ville sunnite de Falloudja, proche de Bagdad, aux mains de Daech depuis janvier 2014.

Dès 2016, le gouvernement d’Erdoğan intervient donc militairement en Syrie sans collaborer « ouvertement » avec les troupes russes, iraniennes et du hezbollah libanais qui soutiennent le régime de Bachar. Erdoğan affiche désormais une position anti-Bachar plus discrète, mais l’Iran demeure pour la Turquie une puissance régionale concurrente, et inversement.

Les interventions turques en Syrie visent surtout les groupes kurdes liés au PKK, tandis que le gouvernement Erdoğan et ses hommes d’affaires entretiennent d’excellentes relations avec les Kurdes irakiens de Barzani. Son rapprochement avec la Russie est elle aussi de circonstances. Ce rapprochement turco-russe de mi-2016 ne peut se faire qu’ au détriment des Kurdes syriens. La destruction d’un avion de chasse russe par l’armée turque à sa frontière en novembre 2015 avait jeté un froid entre les deux pays entraînant une vraie crise diplomatique avec des rétorsions économiques russes sur les importations de fruits et légumes turcs. Mais le rapprochement était voulu par les Russes, même si les deux pays s’opposent sur la question de Bachar. En échange du soutien militaire turc en Syrie, Poutine a dû promettre de ne plus soutenir le PKK et son émanation syrienne le PYD-YPG qui demeurent pour les Turcs un ennemi à abattre.

Pour les protagonistes les plus puissants, russes et Américains notamment, il va falloir calmer les ambitions autonomistes du PKK, renforcés par les victoire de leurs actions à Alep et dans le Kurdistan syrien. Pour cela, Russes et Américains vont laisser la place à la Turquie.

Fin août 2016, l’armée turque lance l’opération Bouclier de l’Euphrate avec la couverture aérienne des Américains, et intervient directement au nord de la Syrie pour chasser officiellement l’Etat islamique de sa frontière ; mais pour Ankara, il s’agit surtout d’empêcher le PKK-PYD d’établir une continuité territoriale entre les différents cantons de la région fédérale du Rojava, établissant ainsi une zone tampon à partir de sa frontière. Le PKK-YPG est ainsi repoussé à l’est de l’Euphrate grâce à la pression de l’ «ami » américain.

En octobre 2016, la Russie et la Turquie signent un accord sur la réalisation du projet de gazoduc Turkstream pour acheminer du gaz russe à l’Europe sous la mer noire, la Russie reprend la construction de 4 réacteurs nucléaires dans la province de Mersin (côte sud-est turque), et la Turquie est à nouveau autorisée à reprendre des exportations vers la Russie. En contre-partie, la Turquie accepte le maintien au pouvoir de Bachar, renonce à soutenir ses opposants islamistes (eux mêmes soutenus par l’Arabie Saoudite, le Qatar, le Qatar, les USA, l’Angleterre et la France). La Turquie menace même de se retirer de la coalition anti Daech ce qui signifie la suppression de l’utilisation de sa base aérienne d’Incirlik, principale base opérationnelle de la coalition et donc utilisée par les US, l’Allemagne et l’Arabie Saoudite qui y ont des avions, pour bombarder des cibles en Syrie et en Irak.

Mais l’autre base aérienne utilisée par la coalition reste Al Azraq en Jordanie où se déploient des avions de Bahreïn, des Pays Bas, de Belgique, de France, des USA.

Évidemment la Turquie attend de Bachar qu’elle puisse poursuivre ses frappes aériennes sur le territoire kurde syrien contre les troupes du YPG qui sont soutenue par les USA, le Royaume Uni, la France et l’Allemagne.

En octobre 2016, commence l’offensive « commune » vers Mossoul en Irak, aux mains de Daech depuis juin 2014, de l’armée irano-irakienne (les forces spéciales irakiennes « la division d’or » composée à 80 % de chiites équipés et formés par des conseillers américains pour le combat urbain), et des peshmergas kurdes de Barzani. Mais chaque partie se fait la course sans combattre côte à côte, car le GRK kurde, les sunnites et les chiites irakiens se disputent la région.

En novembre 2016, au parlement irakien, les députés chiites et kurdes votent une loi officialisant les milices chiites et leur donnant une immunité quasi absolue, malgré l’opposition des députés sunnites. Ainsi est enterré une nouvelle fois l’espoir d’une réconciliation nationale !Les partis bourgeois sunnites irakiens ont perdu, après celle de Saddam Hussein, la carte de Daech. Des représailles sur la population sunnite ont en effet été rapidement organisées par les milices chiites, et dénoncées par Amnesty International mais niées par les autorités de Bagdad et d’Erbil ! Des affrontements entre les milices chiites irakiennes et l’UPK (Union patriotique du Kurdistan irakien) en avril 2016 se sont en également produites. Quant à Ankara, qui se pose en protecteur des sunnites, son objectif primordial demeure celui de lutter contre sa bête noire, le PKK.

En février 2017, Daech a en effet perdu du terrain en Irak et en Syrie, en Afghanistan et en Libye, mais il encourage ses partisans à perpétrer des attentats dans les pays occidentaux. Il a renforcé sa présence en Afrique de l’Ouest et au Sahel, au Niger, au Nigeria, au Burkina Faso. Le chaos n’est pas prêt de se déterminer. D’autant moins qu’il est produit et entretenu par la crise mondiale du capitalisme.

 

L’échiquier machiavélique au Moyen Orient

Sans aucun doute, il s’agit pour Poutine et désormais Trump de négocier en secret un arrangement politique global et un repartage de la région. Les puissances régionales comme l’Iran, la Turquie et l’Arabie Saoudite essaient de tirer leur épingle du jeu. Et les troupes kurdes, dont l’efficacité guerrière sert tous les fronts mais qui n’ont jamais pesé bien lourd lors des partages inter-impérialistes, ne seront-ils pas de nouveau abandonnées et les promesses faites encore une fois trahies ? Il en est de même par ailleurs pour les troupes rebelles syriennes.

Quoiqu’il en soit, le PKK-PYD n’a pas été invité aux négociations orchestrées par la Russie et qui précèdent celles de Genève organisées par l’ONU. Elles se sont tenues à Astana (capitale du Kazakhstan) les 23-24 janvier 2017 entre une partie de l’opposition syrienne muselée par Moscou (des leaders de groupes combattants proches de la Turquie et de l’Arabie Saoudite, comme certaines unités modérées estampillées Armée Syrienne libre qui a les faveurs des USA, ou L’Armée de l’islam, un groupe salafiste pro-saoudien, mais aucun représentant de la société civile ni des dissidents en exil !), et Damas, Ankara, Téhéran ; les USA, l’UE et l’ONU sont restés au rang d’observateurs. Les Forces démocratiques syriennes, une coalition kurdo-arabe agrégée autour du PYD n’ont pas été invitées pour ne pas froisser Ankara.

Par ailleurs Ankara et Bagdad ont renoué le dialogue sur le dos du PKK ; le premier ministre turc a ainsi rendu une visite officielle à Bagdad et Erbil en Irak le 7 janvier 2017 pour évoquer le litige entre les deux pays concernant la présence militaire turque au nord de l’Irak et l’implantation de groupes armés organisés par le PKK et le YPG dans la région du nord de l’Irak des monts Sinjar. Le gouvernement de Barzani a assuré à l’émissaire turc qu’il souhaitait le départ du PKK de cette zone !

Ces négociations d’Astana sont révélatrices d’un nouveau rapport de force à l’œuvre. Il en ressort que la Russie est déterminée à maintenir un État central syrien qui lui est totalement favorable et son avance sur le terrain de l’axe Damas-Moscou-Téhéran est entérinée. Téhéran réitère son soutien inconditionnel à Damas, son allié au Proche Orient et passerelle indispensable vers le hezbollah libanais ; l’Iran renforce ainsi son dispositif de marchandages avec les USA et Israël. La Turquie étend son influence directe dans le nord de la Syrie et a obtenu l’arrêt de la progression du PYD.

Ce qui ressort du projet de Constitution syrienne élaborée par le Kremlin laisserait à la composante kurde un rôle important dans le futur politique du pays. Cette constitution fédéraliste prévoit une forte décentralisation avec des références explicites à une « autonomie kurde », un retrait de l’adjectif « arabe » pour la dénomination de la République syrienne qui évidemment rencontre l’opposition de la composante arabe de l’opposition, et une légalisation de l’enseignement de langues « régionales (comme le Kurmaji des Kurdes de Syrie). Mais ce projet doit obtenir l’aval du gouvernement de Bachar sur la base des composantes démographiquement majoritaires (la fuite de la population syrienne sunnite liée aux combats ont changé la donne !!) au niveau local, et des négociateurs de Genève.

Du côté de Mossoul, les tensions s’accentuent sur le contrôle des zones « libérées » de l’emprise de Daech. Ainsi les miliciens du seigneur de guerre Ethel al-Nujaifi, ex gouverneur de Ninive et proche de la Turquie dont les troupes se trouvent au nord de Mossoul, ont reçu l’ordre de l’armée irakienne d’abandonner leurs fonctions de police sur ces zones.

L’échiquier au Moyen Orient représentant la lutte entre les grands pays impérialistes qui se partagent le monde apparaît ainsi bien compliqué et fragile. Moscou et Washington s’échangent des « coups » pour le partage stratégique et économique de la région, au travers de ces combats aux composantes modulables, avec des conversations diplomatiques, des manipulations de groupuscules islamistes ou kurdes, des menaces militaires ou économiques plus ou moins discrètes sur des puissances secondaires et rivales entre elles comme la Turquie, la Syrie, l’Irak, l’Iran, prises entre leurs deux feux ; et évidemment ils ne lésinent pas sur l’instrumentalisation des mouvements islamistes et des mouvements kurdes.

Dans ce bourbier syrien, il semblerait que le camp russe ait renforcé sa position au Moyen Orient en devenant l’interlocuteur indispensable aux USA pour le partage de la Syrie, et son « alliance », même fragile, avec la Turquie est aussi une menace pour l’emprise américaine au Moyen Orient.

L’objectif d’ Ankara, avec la bataille d’ Alep qui en février 2017 se poursuit, de se doter dans le nord de la Syrie d’une zone de sécurité, débarrassée des djihadistes et des séparatistes kurdes du PYD, reste son objectif prioritaire, et les camps russe et américain louvoient également pour qu’il ne le réalise pas ou incomplètement.

Si dans un premier temps, Moscou a joué la carte de la déstabilisation turque en soutenant activement le PKK, l’alliance avec Ankara lui est favorable en raisons des intérêts économiques communs, et de sa position stratégique. De son côté la Turquie tente de jouer le pion russe en raison de l’avenir incertain de l’intégration de la Turquie à l’UE (aggravé par les critiques européennes et US face à la répression d’ Erdoğan à la suite du putsch de juillet 2016) et comme moyen de pression sur le camp euro-américain ; la Turquie ne compte pas quitter l’OTAN et sa stratégie d’endiguement de l’influence russe, ni ne peut se passer des liens économiques avec l’UE avec laquelle elle a tenté la construction de pipelines acheminant les ressources énergétiques d’Asie centrale en passant par l’Azerbaïdjan pour contourner la Russie. Un vrai casse-tête pour la diplomatie turque !

Les clans kurdes se retrouvent ainsi une nouvelle fois utilisés, manœuvrés, dupés, trompés par des « promesses » qui ne sont pas tenues, par des bourgeoisies impérialistes qui usent et abusent de leurs imposantes forces militaires et économiques quand on cherche à « pactiser » avec elles.

En les servant, les groupes kurdes qui représentent des intérêts bourgeois, ne font que participer à la lutte des classes exploiteuses contre le prolétariat, source de leur puissance et de leur richesse, et non à l’émancipation de leur « peuple ».

La seule issue à ce combat inégal est la réalisation de l’union des forces des classes exploitées et ceci à un niveau international, et non leur séparation par d’illusoires différences culturelles, raciales ou religieuses et pire encore nationales – mythes entretenus par les bourgeoisies elles-mêmes – quand l’histoire n’est plus à la nation mais à la lutte entre les deux grandes classes ennemies, la bourgeoise et le prolétariat, dont l’une vit comme un parasite sur la peau de l’autre.