Parti Communiste International  
VENEZUELA

AVEC OU SANS CHÁVEZ, LA DICTATURE BOURGEOISE NE CESSE PAS

SOYONS CLAIRS SUR CE QU’EST LE CHAVISME ET L’ANTICHAVISME


Le Venezuela ou République Bolivarienne du Venezuela (en l’honneur de Simon Bolivar) est une république fédérale de 23 Etats. Il est le premier pays du monde pour ses réserves en pétrole dont une partie de pétrole extra lourd d’exploitation plus coûteuse, mais le 11ème grand producteur au monde. C’est un membre fondateur de l’ OPEP.

Hugo Chávez, ancien militaire, est arrivé au pouvoir en 1998 avec 56 % des voix, sur les traces du grand frère cubain, promoteur d’un « socialisme du XXI siècle », et se présentant comme un ennemi irréductible de l’impérialisme, notamment US. Il multiplie les nationalisations, principalement dans le secteur pétrolier, l’électricité et les télécommunications, et finance de nombreuses réformes sociales (santé, éducation, logement) grâce à la manne pétrolière, continuant la politique de ses prédécesseurs : baser toute l’économie du pays sur le pétrole sans diversification (en 2013, 96,3 % des exportations du pays étaient dépendantes du pétrole), utiliser la manne pétrolière au détriment de l’agriculture. Il est mort en mars 2013 après avoir confié le rôle de président au vice président Nicolas Maduro, pâle reflet de son maître, dans l’attente des élections d’avril 2013 qui ont confirmé celui-ci avec une faible majorité de 50,75 %.

La chute des cours de l’or noir asphyxie désormais le Venezuela qui en 2016 pourrait être en défaut de paiement de sa dette, et empêche de poursuivre la politique populiste avec comme conséquences des pénuries sur les produits alimentaires de première nécessité, sur les médicaments, une inflation qui grimpe (141 % en 2016), et tout ceci dans un contexte de sécheresse climatique sévère.

Majoritaire au Parlement, l’opposition de centre droit, représentée par la Table de l’Unité Démocratique, MUD, misait sur une procédure pour « manquement aux devoirs liés à la charge du président » prévue par la Constitution, afin de révoquer le mandat du chef d’État. Il fallait pour cela récupérer 20 % de signatures de l’électorat afin d’organiser le référendum mais cette étape prévue en octobre 2016 a été suspendue. Or si Maduro n’est pas révoqué avant le 10 janvier 2017, le président pourra désigner son vice-président pour le remplacer jusqu’à la fin du mandat en 2019.

Le 28 octobre 2016, l’opposition au président « chaviste » Nicolas Maduro – ce dernier tient l’armée et les tribunaux – a appelé à une grève générale dans tout le Venezuela, accusant le gouvernement d’avoir perpétré un coup d’État en ayant suspendu le processus du référendum révocatoire destiné à écourter le mandat de Maduro. La journée de grève générale n’a pas paralysé le pays, puisque les transports, les écoles et les commerces ont fonctionné normalement.

Le Venezuela se trouve à l’heure actuelle enfoncé dans une crise économique et évidemment la bourgeoisie, chaviste et non chaviste, craint que des révoltes n’éclatent. Les chavistes accusent l’opposition de mener une « guerre économique » pour affamer les masses et les amener à se révolter contre le régime « socialiste », mais ils exercent une répression sur toutes les formes de protestation sociale, tandis que la criminalité et la corruption endémique ne cessent d’augmenter.

Nous vous présentons ci-dessous deux articles publiés dans notre organes en 2013 et 2016.

 

 

 


AVEC OU SANS CHÁVEZ, LA DICTATURE BOURGEOISE NE CESSE PAS

Déjà en 1999 nous écrivions que « l’élection du démagogue Hugo Chávez à la présidence du Venezuela est la ennième tentative de la bourgeoisie afin de contre-carrer les effets désastreux de la crise capitaliste. Combinant habilement le discours anti-impérialiste, comme son compère Fidel Castro, avec la logorrhée démagogique, Chávez résume ainsi sa crainte : ‘ ou nous faisons la révolution démocratique ou la révolution nous submergera’ ».

Aujourd’hui que la ennième « personnalité » offerte en culte aux masses ouvrières égarées vient à manquer, nous en revenons à placer le « bolivarisme » à l’intérieur de la continuité bourgeoise et capitaliste de l’histoire moderne du Venezuela.

La domination de l’oligarchie foncière.

Découvert par Christophe Colomb en 1498, le Venezuela devint rapidement une des cinq provinces conquises par la royaume d’Espagne en Amérique latine. Sa richesse fut essentiellement basée sur le cacao et l’introduction de la main d’œuvre noire venue d’Afrique subsaharienne dès le début du 16ème siècle. Au début du 19ème siècle, les guerres d’indépendance en Amérique latine mirent fin à la domination espagnole. Au Venezuela, après une guerre qui dura de 1810 à 1823 pour se libérer de la couronne espagnole, le mouvement indépendantiste, conduit par Simon Bolivar, fut défait par l’oligarchie des propriétaires fonciers, qui prirent le contrôle politique de la nouvelle république vénézuélienne. En effet, l’économie du pays avait pour fondement les grandes propriétés foncières menées par un caudillo, potentat local qui contrôle une région de façon paternaliste et clientéliste.

Lors de cette nouvelle phase, le général José Antonio Paez, un représentant affirmé de l’oligarchie foncière, devint gouverneur en 1829. Depuis 1822, Paez avait exercé la fonction de chef civil et militaire du département du Venezuela, qui comprenait les territoires de Caracas, Carabobo, Barquisimeto, Barinas et Apure, charge qui lui fut confirmé par la Municipalidad de Valencia le 30 décembre 1826 et ratifié la même année par Simon Bolivar lui-même.

Mais Paez se souleva rapidement contre ce dernier et le 27 décembre 1829 il instaurait un gouvernement provisoire avec des élections de députés pour un Congrès Constituant qui se réunit le 30 avril 1830 et ratifia le pouvoir de Paez. A partir de cette date, la révolution nationale représentée par Bolivar (ce dernier mourut en 1830) ralentit en raison du passage du pouvoir aux propriétaires terriens.

Avec leur contrôle politique de l’État, le développement capitaliste du Venezuela avança lentement. Malgré de nombreuses révoltes, les propriétaires fonciers s’opposaient férocement à toute abolition de l’esclavage, et ce malgré la campagne en faveur de cette abolition menée par Simon Bolivar dès 1810.

L’abolition de l’esclavage ne survint qu’en 1854, après toute une série de révoltes d’esclaves noirs (1821-1846), et contre paiement d’une indemnisation par l’Etat aux « maîtres ». Mais les esclaves « libérés » durent se battre encore pour que leurs « droits » économiques et sociaux soient reconnus. En effet les salaires de misère et les conditions de vie exécrables furent encore leur lot. Aux ex- esclaves s’ajoutait une masse de soldats qui, revenus de la guerre en tant qu’hommes « libres », mais sans terre, offraient leur travail aux propriétaires terriens : la promesse de terre faite aux soldats qui avaient pris part à la guerre d’indépendance ne fut en effet pas tenue. L’économie de la nouvelle république continua à se concentrer surtout autour de la production et de l’exportation du cacao et du café.

Une des principales limites au développement du marché interne du pays était le manque de voies de communication. Ceci amenait à une vie recluse à l’intérieur des terres, et il n’était pas rare que de nombreux propriétaires émissent leur propre monnaie, valide seulement sur leurs terres, avec laquelle il payaient les travailleurs et les peones (métayers qui vivaient dans un état de demi-servage) qui, à leur tour, la dépensaient dans les boutiques appartenant au latifondiste. De plus la législation empêchait que ces travailleurs puissent se déplacer d’une région à l’autre sans un laisser-passer signé du propriétaire terrien.

Après l’abolition de l’esclavage, forme de production qui n’amenait plus de profit, se consolida le système des plantations sur la base du binôme « plantation-conuco », qui consistait à donner une petite portion de terrain (conuco en espagnol) à certains travailleurs, ce qui permettait au propriétaire terrien de maintenir une quantité minime de main d’œuvre fixe.

Les différents groupes de caudillos (principalement des latifondistes) se disputèrent le contrôle du gouvernement de la fin du XIX siècle au début du XX siècle. Des fronts politiques de libéraux et de conservateurs se formèrent, et dans les campagnes se développa la lutte pour la terre et l’amélioration des conditions de vie.

A partir de la seconde décennie du XX siècle, un ensemble d’événements internationaux influencèrent le développement du capitalisme au Venezuela. La chute du prix du cacao et du café entraîna la crise des plantations ; en 1929, l’économie agraire, liée fondamentalement à l’exportation du café, se précipita dans une crise dont elle ne réussira plus à se sortir, tandis que le Venezuela perdait des positions sur le marché mondial à l’avantage des concurrents.

L’exploitation du pétrole.

Bien que dès 1878 il y eut une modeste production de pétrole, c’est à partir de 1904, avec l’introduction de la Loi sur les Mines, par laquelle il fut établi que l’État était le propriétaire du sous-sol, que l’on assistera à l’impulsion du secteur avec la concession de l’exploitation des gisements à des entreprises privées. On commença à extraire le pétrole et à le commercialiser afin de satisfaire la demande qui s’était entre-temps accrue pendant la Première Guerre mondiale ; la production crût progressivement et dans la troisième décennie du XX siècle elle devint la principale source de rente pour l’économie vénézuélienne. Cette rente fut dès le début drainée par les caisses de l’État.

En 1899, Cipriano Castro, dit « El Cabito », caudillo à la rhétorique nationaliste, prit le pouvoir. En 1908 lui succéda le vice président, son lieutenant et comparse, Juan Vicente Gomez, qui instaura une dictature jusqu’en 1935, année de sa mort. La période de gouvernement de Gomez fut fondamentale pour la consolidation de l’Etat bourgeois, dans ses aspects répressif et administratif, afin d’étouffer les mouvements de rébellion des petits caudillos et les conflits sociaux latents. Durant cette période furent potentialisées les voies de communication, nécessaires à l’intégration territoriale et au développement du marché interne.

A la fin des années cinquante, après divers gouvernements dictatoriaux, déclarés ou maqués par des élections, le Venezuela était un pays dont l’économie se fondait sur l’activité pétrolière. L’agriculture tombait en décadence malgré le fait que la population fût en majorité rurale. Les entreprises dédiées à l’agriculture du cacao et du café furent remplacées par des cultures à cycle bref, principalement le maïs, sous différentes formes, le métayage mais aussi sous la forme propriétaire-capitaliste-ouvrier agricole. La production de bétail résista plus au développement capitaliste, en maintenant des méthodes archaïques d’élevage, comme les « hato Ilanero », élevage de plaine.

Dans la première moitié du XX siècle, une part notable de la terre se concentrait encore dans la propriété de l’État, de l’Église et des latifondistes, dont beaucoup étaient des descendants des combattants de la guerre d’indépendance.

La transformation vers une économie fondée sur la rente pétrolière et la décroissance de l’agriculture qui l’accompagna amena certaines zones à perdre l’autosuffisance, à une réduction des terres cultivées et à l’augmentation des terres improductives.

Plein développement capitaliste.

Dans la seconde moitié du XX siècle, le Venezuela n’a pas connu de dictature ouverte et a consolidé, au moins jusqu’à aujourd’hui, un régime parlementaire avec un gouvernement « élu par le peuple ».

Le Venezuela vit l’impulsion donnée à l’industrie et à l’agriculture industrielle, tandis que l’État développait le service sanitaire, l’éducation, etc.

Durant cette période, le gouvernement proclama la réforme agraire et déclara la guerre au latifondisme : en effet, les propriétaires terriens n’avaient plus le contrôle de l’État, dont la politique était désormais influencée par les bourgeois, ceux des entreprises pétrolières (multinationales), des banques, des commerçants et du secteur industriel naissant. La réforme n’élimina pas le latifondium : l’État avait seulement permis à certains propriétaires fonciers de se libérer des terres improductives. Les « campesinos » (indépendants ou associés dans des coopératives) qui avaient reçu la terre avec la Réforme agraire, finirent par l’abandonner ou par la revendre pour rejoindre les villes à la recherche d’un salaire dans l’industrie pétrolière, dans la bureaucratie étatique croissante ou dans d’autres activités économiques. Les « Asientamentos Campesinos », les implantations paysannes conçus par la Réforme agraire dans la décennie des années soixante, se réduisirent à des centres habités normaux, tournées surtout vers la distribution, la commercialisation et la consommation des marchandises au détail.

Durant cette période l’agriculture se consolida selon les préceptes capitalistes. La production des principales denrées agricoles dépendaient toujours plus du crédit bancaire et se connecta et s’intégra avec l’agriculture industrielle, employant de moins en moins de force de travail. Il y eu un fort développement capitaliste dans la production de bétail, surtout dans les secteurs avicoles et porcins, tandis que celui des bovins maintenait une production traditionnelle arriérée.

Le pays dispose abondamment d’énergie hydroélectrique qui peut incrémenter la production de biens de grande consommation. Les grandes réserves de gaz du Venezuela ne furent pas utilisées pour la transformation chimique du pétrole. L’industrie est fondamentalement celle de l’assemblage ou dépendante des investissements extérieurs et de technologie importée. Cependant il existe un réseau d’entreprises de base dans le secteur métallurgique. Mais, durant cette période, tout ceci n’a pas connu de grand développement et le Venezuela est demeuré principalement un producteur de matières premières, pétrole et dérivés, mais aussi du fer, gaz naturel, électricité et or. Le fer est transformé en acier. Entre temps, la population est devenue en majorité urbaine et celle rurale une minorité.

Dans les années quatre vingt, les gouvernements bourgeois ont initié une série de privatisations et d’ « ajustements macro-économiques » qui ont amené au « Caracazo » du 27 février 1989 (1), quand les masses descendirent dans la rue et saccagèrent les magasins à Caracas, La Guaira, Guatire, Guarenas, Los Teques et Valencia, le gouvernement répondit par la répression armée qui fit plus de 3000 morts et imposa le couvre-feu.

La bourgeoisie n’avait pas réussi à trouver des forces politiques « nouvelles » afin de détourner le mécontentement populaire. Les deux principaux partis, Action Démocratique et COPEI, sociaux chrétiens, étaient complètement discrédités. Pour poursuivre la politique anti-crise dans un climat de « paix sociale » il fallait donc une « nouvelle » force politique au gouvernement, qui puisse jouir du consensus populaire, ou suivre la voie du coup d’État et imposer un gouvernement dictatorial.

Le bolivarisme.

Et en effet, après le « Caracazo » est survenu le coup d’État militaire du 4 février 1992, intenté par Hugo Chávez et le mouvement militaire bolivarien. Le coup échoua, mais n’interrompit pas le processus de décomposition des partis bourgeois traditionnels. Les élections successives amenèrent la victoire de Rafael Caldera, un vieux politicien bourgeois qui profita de la crise politique ouverte le 4 février pour arriver au gouvernement avec un front électoral nommé « Convergence » et qui regroupait autant de politicards parlementaires de droit que de gauche. C’était la première fois qu’arrivait au gouvernement un parti différent de l’Action Démocratique et du COPEI. D’une certaine façon, il s’est agi là d’un gouvernement de transition à la période suivante qui vit surgir, cette fois par les élections, le mouvement bolivarien. Ce dernier capitalisa toute l’insatisfaction des masses envers les partis qui avaient contrôlé le Parlement les dernières quarante années.

Les bolivariens arrivèrent au gouvernement en 1999 avec une vaste majorité électorale et bien acceptés par la bourgeoisie, qui établit des relations avec le nouveau mouvement au travers d’un groupe de personnalités en vue. Seul un secteur minoritaire de la bourgeoisie rompit avec les bolivariens en se faisant représenter par le Front des partis d’opposition.

Le XXI siècle commence avec ce changement politique. Le mouvement bolivarien devient la force politique dominante et tient le gouvernement de 1999 à aujourd’hui, en contrôlant la présidence, la majorité des gouvernements régionaux et de nombreux pouvoirs publics. Du point de vue politique, le mouvement bolivarien a réussi à résoudre pour les bourgeois certains de leurs problèmes de la fin des années quatre vingt, a garanti la paix sociale dans le développement capitaliste, a protégé les intérêts des banques, de l’industrie et du commerce.

Mais il a pu seulement le faire à cause de la conjoncture favorable due à l’augmentation du prix du pétrole. Les plus grandes entrées étatiques ont permis au régime de réaliser diverses mesures populistes et de resserrer les alliances en Amérique centrale et du Sud, avec les pays africains et, de surcroît, avec la Russie et la Chine.

Les partis politiques qui ont dominé la scène politique les dernières quarante années du XX siècle forment désormais un front d’opposition électorale selon le schéma classique de la démocratie bourgeoise.

Le mouvement bolivarien ou « chaviste », comme il est connu en raison de son clinquant représentant, Hugo Chávez, a suivi une politique de pseudo-gauche qu’il a appelé « le socialisme du XXI siècle, qui n’est autre qu’une façon opportuniste de réaliser le programme du capitalisme sous une forme démocratico-populiste. Et la confrontation politique interne pour le contrôle du gouvernement s’est centrée sur la lutte électorale, parlementaire et médiatique, entre le parti au gouvernement avec ses alliés, et le Front des oppositions.

Cependant des heurts violents entre ces bandes bourgeoises, qui s’enrichissent toutes en maintenant emprisonnées les masses des travailleurs, n’ont pas manqué. Qu’on se rappelle le heurt survenu en avril 2002, quand de vastes mobilisations d’opposants provoquèrent une série de morts. Celles-ci, attribuées d’abord aux forces gouvernementales, se révélèrent comme ayant été ordonnées par l’opposition, qui au même moment tentait un coup d’État et s’emparait de Chávez, le remplaçant au pouvoir par un des leurs. Mais les bolivariens retournèrent immédiatement au gouvernement, en raison surtout de la division et des contradictions au sein du Front des oppositions.

Les années successives, se poursuivit la « confrontation » typique à toutes les démocraties parlementaires, nécessaire à la bourgeoisie pour faire croire à la classe ouvrière qu’il existe toujours une alternative dans laquelle elle puisse retrouver ses illusions quand le gouvernement du moment devient trop odieux.

Le gouvernement bolivarien, en se basant sur les recettes du pétrole, a permis un développement capitaliste majeur. Dans le secteur agricole, il a donné une impulsion à l’expropriation et à la distribution de la terre et au développement des entreprises agro-industrielles, développement cependant freiné par le retard du secteur de l’élevage.

Le gouvernement a réalisé une politique populiste en appuyant certaines activités économiques, comme la construction de logements et la commercialisation de produits alimentaires achetés par de grandes entreprises nationales ou internationales. Ensuite il a resserré certaines alliances internationales, principalement avec la Chine, pour le financement de projets concernant le pétrole et certains secteurs productifs, comme la technologie de satellites, l’informatique, l’automobile et l’agro-industrie. Le gouvernement a acquis en outre des entreprises en faillite ou en crise et avec des problèmes financiers afin de les sauver et de les réactiver. La démagogie du gouvernement a chercher à « vendre » ces mesures comme étant un « contrôle ouvrier », mais il s’est au contraire agi d’un processus de consolidation d’un capitalisme d’État, fondé sur la rente pétrolière et sur le solde favorable de la balance commerciale, qui permet l’importation de marchandises et de technologie de l’extérieur.

Au delà des fanfaronnades autant des bolivariens que de leurs opposants, avant Chávez, avec ou après Chávez, le Venezuela était et reste un pays capitaliste normal, comme Cuba et la Chine, dans lequel le prolétariat doit lutter pour ses revendications et pour le véritable socialisme.

 

 

 


SOYONS CLAIRS SUR CE QU’EST LE CHAVISME ET L’ANTICHAVISME

Au Venezuela, la grande partie des groupes et des partis réformistes dits de gauche, parlementaires ou non, unis à ceux qui se font appeler de centre-gauche et aux ailes de « gauche » des partis conservateurs, se sont accordés pour approuver l’existence dans le pays d’une « révolution bolivarienne » qui agite le drapeau du « socialisme du 21ème siècle », comme l’affirmait son grand Chef Chávez. En dehors du pays, de nombreux groupes et partis de gauche et populiste, se sont empressés de soutenir le « changement en marche » qui, parti du Venezuela, se serait diffusé à l’Équateur, la Bolivie, l’Argentine, le Brésil, l’Uruguay, le Paraguay, le Nicaragua, l’Honduras et le Salvador, rejoignant ainsi les vieux stalinistes de Cuba.

En Argentine, Paraguay, Honduras et probablement au Brésil, les courants réformistes, qui ces dernières années avaient tiré avantage de l’accumulation du capital, avec des investissements principalement d’origine chinoise, mais aussi d’autres puissances comme la Russie, ont perdu le contrôle du gouvernement en raison des pressions diplomatiques des États-Unis et à la suite des désastres provoqués par la crise capitaliste.

En vérité, comme à Cuba, la « révolution bolivarienne » n’est qu’ une farce, et son programme n’a rien à voir avec le socialisme, même si à chaque instant les moyens d’information la propose comme antithétique à celui des « droites ».

Au Venezuela, ce pseudo-socialisme n’est que le capitalisme d’État. Avant que le chavisme vienne au gouvernement, le Venezuela s’appuyait déjà sur le capitalisme d’État, dépendant de la rente pétrolière. Mais le chavisme se vante de destiner la rente en faveur du peuple. En fait sa seule nouveauté a été la capacité de droguer les masses avec le credo démocratique, avec la participation populaire et avec l’illusion que le gouvernement représentait les intérêts des pauvres. Le chavisme a été la solution politique à la crise économique des décennies 1980 et 1990 et il a permis à la bourgeoisie nationale et à l’impérialisme étranger de continuer l’exploitation capitaliste dans une ambiance de paix sociale, basée sur quelques mesures en faveur des plus défavorisés et financées par les subsides pétroliers.

En s’appuyant sur l’expérience des gouvernements cubains, les bourgeois vénézuéliens ont appris à propager le même mensonge, c’est-à-dire que la crise économique soit seulement le produit de la guerre économique conduite par certains entrepreneurs « anti-patriotiques », par des partis « de droite » et par l’impérialisme. Exactement comme ils l’ont fait croire en Argentine, au Brésil, en Bolivie, et en Équateur.

La route vers le socialisme ?

Non, pas du tout. Le tracé de l’économie vénézuélienne est capitaliste de tous les côtés. Les entreprises, qu’elles soient publiques ou privées, produisent des marchandises sur la base de l’exploitation du travail salarié. La possibilité d’avoir des produits et des services est liée au change en argent, même quand l’État s’occupe directement de la distribution.

Une lutte contre la bourgeoisie ?

Non, pas du tout. Au delà des discours démagogiques et grandiloquents des chefs chavistes contre « la bourgeoisie », le gouvernement a toujours garanti des conditions par lesquelles les banquiers, les industriels, les commerçants réussissent à s’approprier des marges plus hautes de profit. Le chavisme, en appliquant un cocktail de Keynes, New Deal rooseveltien, libéralisme, corporatisme et fascisme, a transféré à la bourgeoisie la majeure partie de la rente pétrolière.

Les commandes étatiques, soit disant « sociales » ou « socialistes », ont permis aux entreprises, nationales et multinationales, cubaines, argentines, uruguayennes, nicaraguayennes, brésiliennes, chinoises, russes, portugaises, américaines, etc. de parvenir à ces consommateurs jusqu’alors hors de leur portée. Le grand business a été de réussir à vendre à la population vénézuélienne, dont celle à bas revenus, des produits alimentaires, des médicaments, des téléphones portables, des appareils ménagers, des automobiles utilitaires, l’assistance sanitaire, des maisons de standing ou populaires, etc.

Mais ce grand marché est aujourd’hui menacé par la chute profonde du prix du pétrole.

Voici que se met en place une nouvelle « Grande Mission » pour la « Souveraineté Alimentaire », qualifiée par une dénomination aberrante de « commerce socialiste », effectuée en organisant les habitants des quartiers en Comités Locaux pour l’Approvisionnement et la Production (CLAP) chargés de distribuer, à prix contrôlé, des produits alimentaires et d’hygiène personnel, qui manquent, en provenance de diverses entreprises. Cette mobilisation démagogique, en plus de permettre au gouvernement d’engranger quelque chose compensant la maigre rente pétrolière, et à l’imprésario capitaliste de vider les magasins, sert à calmer, et seulement pour une partie, les masses de plus en plus mécontentes en raison des carences et des hauts prix des aliments et d’autres produits d’usage courant.

En fait, les élections communales, le référendum (s’il a lieu) et les élections présidentielles sont en vue. L’unique habilité de ces opportunistes est de combiner le politicardisme populiste, en manipulant les moyens d’information, avec la garantie d’un minimum d’approvisionnement de base à la population, et dans le même temps des marges de profit de la production capitaliste nationale et des multinationales.

Toutefois, malgré les efforts à présenter les CLAP comme la solution « alternative au capitalisme », se forment de longues queues devant les magasins et se poursuit la revente et le marché noir à prix spéculatifs. Et des désordres plus ou moins importants et des saccages surviennent inévitablement.

Les CLAP n’échappent pas non plus aux réseaux de la corruption, tandis que continue le heurt entre factions à l’intérieur du mouvement chaviste et du parti de gouvernement, que les médias minimisent et qui est transformé en argument de conquête électorale par les chavistes et les oppositions.

Chaque fois qu’une entreprise, nationale ou multinationale, est en crise, ferme ou menace de fermer, le gouvernement intervient avec des financements, ou des acquisitions d’entreprises en faillite, des « expropriations », qui permettent aux capitalistes de retirer du marché les entreprises qui ne sont plus compétitives en obtenant des compensations financières congrues. Parfois on parle d’une façon démagogique de « contrôle ouvrier ». Quand le gouvernement bourgeois utilise un masque socialiste, il donne en réalité de l’oxygène à l’exploitation capitaliste qu’il perpétue, en soulageant la bourgeoisie du poids des entreprises en faillite.

Dans le même temps, il augmente la présence des militaires dans presque tous les domaines de l’administration gouvernementale, ce qui n’empêche pas qu’une nouvelle mafia de corrompus ait remplacé celle de la IV ème République : civils et militaires s’enrichissent du matin au soir, malgré l’aggravation de la crise économique.

Anti-impérialisme ?

Non, pas du tout. Le gouvernement bourgeois des chavistes s’est préoccupé de « moderniser » les lois existantes en transformant chaque forme de protestation ouvrière en délit commun régi par le code pénal. En outre, le gouvernement a interdit de manifester et de protester dans de nombreuses zones urbaines et industrielles déclarées « zone de sécurité ». Malgré la puissance des syndicats de régime, ces derniers désorganisent les travailleurs en collaborant avec les patrons, et la liste des syndicalistes arrêtés ou dénoncés aux tribunaux a augmenté. A la place d’une réduction des heures de travail clamée par le gouvernement, on assiste à une intensification et un allongement de la journée travaillée. Désormais le cadre juridique rend impossible la grève à outrance sans service minimum. De plus, il y a un ensemble d’activités qui ont été classifiées comme étant « essentielles » et donc soumises à l’interdiction de grève. Sous le prétexte constant de l’existence de « menaces » d’interventions impérialistes et de conspirations de putschistes, les chavistes ont soit menacé soit réalisé des agressions contre les luttes des travailleurs, en comptant toujours sur la collaboration des diverses centrales et fédérations syndicales.

La politique salariale du gouvernement, qui prévoit des augmentations par décret présidentiel, montre des retards pour la signature des contrats collectifs, avec la complicité des syndicats ; au lieu de viser à l’amélioration du niveau de vie des travailleurs, elle poursuit seulement l’objectif de garantir un minimum vital afin d’éviter la mobilisation ouvrière. Le gouvernement bourgeois augmente annuellement le salaire minimum nominal, mais la tendance est à la chute constante du salaire réel.

Un « gouvernement ouvrier » n’est pas possible sous le capitalisme ; il s’agit là seulement d’un piège inventé par l’opportunisme chaviste. L’unique gouvernement ouvrier possible est la dictature du prolétariat qui pourra surgir seulement de l’insurrection violente de la classe salariée sous la direction de son parti communiste. Sa tâche sera d’en finir avec la domination de classe en établissant une transformation socialiste, une société sans classe, sans exploitation de l’homme par l’homme, sans propriété privée, sans marchandises, sans argent, sans État, sans patron.

Un heurt entre capitalisme et socialisme ?

Non, pas du tout. Le heurt entre chavistes au gouvernement et l’opposition de droite n’est pas celui entre le capitalisme et le socialisme, comme le raconte les campagnes de propagande des deux bandes de politicards. Ces deux là ne font que se disputer le contrôle du gouvernement pour administrer les intérêts de la bourgeoisie, et leurs luttes ne sont que le reflet des contradictions interbourgeoises et interimpérialistes pour le contrôle du pays et de la rente pétrolière.

Rien de nouveau sous le soleil.

La soi-disant « révolution vénézuélienne » n’offre rien de nouveau aux masses travailleuses qui n’ait déjà été proposé par les opportunistes dans les différentes parties du monde, en déclarant communiste la même république bourgeoise, en maintenant les mêmes rapports de production capitalistes, en cherchant à cacher derrière une phraséologie révolutionnaire des mots d’ordre contre-révolutionnaires : « patrie socialiste », « marché socialiste », « entreprise socialiste », etc.

La crise capitaliste internationale suit son cours, en augmentant les contradictions entre prolétariat et bourgeoisie. La classe des travailleurs salariés devra nécessairement reprendre la lutte de classe en rejoignant son parti, le parti communiste international ; elle devra rompre avec les syndicats de régime et en créer de nouveaux, s’opposer aux appels à la défense de la patrie et à tous les faux socialismes qui cherchent à donner de l’oxygène à la bourgeoisie et au régime de l’exploitation capitaliste.



 


(1) Voir l’article « Caracas, la socialdemocrazia reprime nel sangue la rivolta par il pane » dans « il Partito » no 173, de 1989.