Parti Communiste International


LE COURS DU CAPITALISME MONDIAL
Réunion générale, Gêne, 25‑26 mai 2019


LES REBOUTEUX A L’ŒUVRE!

Depuis 1975, le grand cycle d’expansion d’après guerre du capitalisme mondial, surtout dans les grands centres impérialistes, a pris fin. Durant les 30 années qui courent de 1945 à 1975, le capitalisme mondial n’a pratiquement pas connu de crises de surproduction, tout du moins ces crises sont restées cantonnées aux pays qui n’ont pas subi les destructions massives de la second guerre mondiale, destruction qui a conduit à un rajeunissement de la composition organique du capital, c’est‑à‑dire à l’Angleterre et aux États‑Unis. Pour les autres, les crises ne dépassaient pas le cadre régional, voire moins, et en tout cas aucune crise de surproduction ne pouvait alors devenir internationale. Mais depuis 1975, suivant un cycle de 7 à 10 ans, comme au temps de Marx, le capitalisme connaît, après une phase de croissance, une crise internationale de surproduction : le commerce international et national chutent brutalement, les faillites d’entreprises commerciales et industrielles explosent, le marché national et international se trouvent engorgés de marchandises qui trouvent difficilement acquéreur. Les faillites entraînent le chômage de masse et les restructurations. Les impayés s’accumulant, les banques elles‑mêmes tombent en faillite et les cours des obligations et des actions chutent à leur tour, le capital entre dans une spirale déflationniste. La première partie de la crise peut rester silencieuse et couver jusqu’à ce qu’une crise boursière éclate ou que de grands établissements financiers tombent en faillite. Ou la crise peut avoir pour point de départ une flambée subite de matière première suite à une forte demande et à la spéculation qui fait monter les cours, révélant une crise de surproduction latente.

Parallèlement aux restructurations d’entreprises et au chômage de masse qui s’ensuivaient, les différents Etats impérialistes ont répondu d’abord par les mesures keynésiennes de soutien aux entreprises en difficulté et par de grands travaux publics pour relancer l’activité économique. Dans le même temps, ils organisaient un chômage structurel et la désindexation des salaires, ainsi que le recours massif à la main‑d’œuvre étrangère, le tout pour faire baisser les salaires et remonter le taux de profit. Puis comme ces mesures se montraient impuissantes à endiguer les crises et à remonter le taux de profit qui aurait permis de retrouver une croissance soutenue, comme durant les « trente glorieuses 1 », ils sont passés au néo-libéralisme et à la « mondialisation », c’est-à-dire au démantèlement du well fare state, à la privatisation des services publics et à la déréglementation tout azimut, dont l’un des buts était de permettre une meilleure circulation des capitaux. D’autant plus, que la bourgeoisie des Etats impérialistes, comprenant qu’elle avait à sa disposition, outre son propre prolétariat indigène, dans les pays en développement un prolétariat bon marché et sans protection sociale qui ne demandait qu’à travailler, en bonne esclavagiste, elle se mit à investir là où le taux de profit était prometteur.

Le résultat fut une spéculation frénétique, une fuite dans l’endettement et une organisation systématique de la sous-traitance en délocalisant les entreprises pas assez rentables et qui requéraient une main-d’œuvre abondante. L’Allemagne profita de la main-d’œuvre qualifiée et bon marché des pays limitrophes, comme la Pologne, la Tchécoslovaquie, la Hongrie, etc.., d’autant plus que le coût du transport routier est bas – les dépenses d’entretien du réseau routier étant à la charge du contribuable – et que ces pays sont situés à sa frontière immédiate. Le capitalisme allemand se réservant le montage final. Voilà, avec la « réforme » Schröder, la base de la prospérité relative du capitalisme allemand de ces dernières années. Le capitalisme français a fait la même chose avec l’Espagne, l’Afrique du Nord et la Turquie. Il alla même plus loin en délocalisant des industries entières : par exemple la France aujourd’hui produit plus de voitures à l’extérieur de ses frontière que sur son territoire. Si bien que sa balance commerciale est devenue chroniquement et structurellement déficitaire depuis les années 2000. En 2018 les grandes entreprises françaises ont fortement augmenté leurs investissements, mais les 3/4 de ces investissements étaient destinés à l’étranger. Les États‑Unis font la même chose avec la Chine et le Mexique. De même le Japon sous-traite toute une partie de sa production en Chine, et dans d’autres pays du Sud‑Est asiatique.

Ce qui fait qu’aujourd’hui la fabrication d’un même produit exige de nombreux allez-retours entre différents pays, ce qui se traduit par une augmentation artificielle des échanges. Selon l’OMC la part de ces échanges représentait 40% du commerce mondial en 2008.

Ces mesures ont permis au capitalisme mondial de remonter en partie le taux de profit et de gagner du temps. Mais surtout, comme on l’a démontré dans un précédent article, c’est le développement du capitalisme dans le Sud‑Est asiatique, et principalement en Chine, qui a permis de remonter le taux de profit moyen à l’échelle mondiale et de gagner une trentaine d’années de survie pour le capitalisme.

Cependant ces mesures n’ont pas permis d’éviter les crises de surproduction. Depuis 1973, cinq grandes récessions mondiales se sont succédées, la pire étant celle de 2008‑2009. De cycle en cycle, la situation s’aggrave : la croissance industrielle, et donc la création de richesse ralentit toujours plus, l’endettement public et privé – des entreprises industrielles, commerciales et financières et des familles – devient toujours plus vertigineux. D’après Standard & Poor’s, le poids de la dette mondiale aurait augmenté de 50% depuis la crise financière, pour atteindre en 2017, selon le FMI, 184 000 milliards de dollars, soit 225% du PIB mondial 2 ! La dette du secteur privé représentant les 2/3 de la dette mondiale. Les grands pays industrialisés viennent largement en tête des pays endettés : les Etats‑Unis, la Chine et le Japon, toujours d’après le FMI, représentent à eux trois plus de la moitié de l’endettement mondial, dépassant ainsi leur part dans la production mondiale. La Chine à elle seule représente les 3/4 de l’augmentation de la dette privée depuis 2007. Le tableau ci‑dessous montre le poids absolu et relatif de la dette des grands pays impérialistes.

Ratio Dette Brute Totale Sur PIB
Année 2017
En milliards de dollars
(source FMI)
  Dette PIB Ratio
Japon 19 248 4 873 395%
France 7 479 2 588 289%
Royaume‑unie 6 753 2 628 257%
USA 49 881 19 485 256%
Chine 30 518 12 015 254%
Italie 4 769 1 939 246%
Allemagne 6 328 3 701 171%
Brésil 3 144 2 055 153%
Inde 3 278 2 602 126%
Russie 1 325 1 578    84%

Dans le même temps, la paupérisation et la précarité de la population ne font que s’accroître, tandis que la spéculation, tant immobilière que mobilière, devient faramineuse.

Dans le tableau ci‑dessus l’on voit très bien le ralentissement de la croissance industrielle ; elle est elle‑même le reflet de la chute du taux de profit qui est inévitable : plus la productivité du travail augmente et plus la productivité du capital décroît et plus l’accumulation du capital ralentit, ce qui entraîne un ralentissement de la croissance industrielle.

Et toutes les mesures que la bourgeoisie mondiale a prises pour élever le taux de profit en précarisant toujours plus les travailleurs, en augmentant leur paupérisation, en un mot en aggravant l’exploitation du prolétariat afin d’augmenter le taux de plus‑value, n’aboutissent à rien. Le résultat est une faillite de la politique économique néo‑libérale ; tout ce que la bourgeoisie arrive à faire, c’est accroître la misère et gagner du temps. Car les contradictions internes à ce mode de production, mesquin et sordide, qui est fondé sur l’exploitation du travail salarié, ne font que s’accumuler et s’aggraver, préparant une crise de surproduction historique d’une échelle qui sera bien supérieure à celle de 1929.

Le mode de production capitaliste pour réaliser l’accumulation du capital est contraint de révolutionner constamment la base productive sur laquelle il s’est développé. Et il ne peut le faire qu’en socialisant toujours plus les forces productive ; c’est-à-dire développer sur une échelle toujours plus large la base économique de la société communiste. C’est d’ailleurs son grand rôle historique : il l’a fait en substituant au petit producteur dispersé, qui travaillait pour son propre compte, la grande production industrielle centralisée, qui requiert pour son fonctionnement toute une organisation sociale et les dernières connaissances scientifiques et techniques appliquées à la production. L’armée d’hommes requis pour mettre en mouvement tout cet appareil productif travaille de façon coordonnée et centralisée et ils ne possèdent ni la propriété des moyens de production, ni celle du produit du travail.

Mais l’appropriation reste privée. Or le caractère social des forces productives et l’appropriation privée, dont le fondement est l’exploitation du travail salarié pour produire de la plus‑value, source de l’accumulation du capital, sont antagoniques. Cet antagonisme se traduit par un déséquilibre constant entre production et consommation, d’abord entre la section I du capital, qui produit les moyens de production, et la section II, qui produit les moyens de consommation, puis entre cette dernière et le marché du consommateur final. Il ne peut donc pas y avoir équilibre entre production et marché ; au contraire ce déséquilibre ne fait que s’aggraver au cours du cycle pour finir par déboucher sur une crise générale de surproduction. Ce qui oblige le capitalisme à trouver de nouveaux marchés pour écouler ses marchandises et à essayer de dépasser les limites du marché par le crédit, qui ne fait que reporter l’échéance du payement.


CYCLES D’ACCUMULATION DU CAPITAL
Incrément % de la production industrielle
  1950
  -73
1973
  -79
1979
  -89
1989
  -00
2000
  -07
2007
  -15
Angleterre 3,0 1,2 1,0 1,1 -0,5 -1,0
États-Unis 4,2 2,7 2,0 3,8 1,2 0,3
France 5,9 1,6 1,2 1,5 0,4 -1,6
Allemagne 7,2 1,8 1,9 0,9 2,5 0,2
Italie 7,3 2,7 1,5 1,3 0,2 -3,1
Russie 10,6 5,6 3,6 -8,6 -1,2 -0,8
Japon 13,5 2,2 4,0 -0,1 1,3 -1,9
Chine 12,7 8,3 10,5 12,5 11,8 8,9
Corée d.Sud 17,6 9,4 7,5 3,3

Cette contradiction fondamentale se trouve aggravée par la baisse tendancielle du taux de profit : la source du profit est le travail non payé, c’est-à-dire la part du travail qui vient en excédent du salaire. Or plus la productivité du travail augmente et plus la quantité de travail incorporé dans le produit final diminue, car il faut de moins en moins de travail pour produire un même objet. Une même quantité de travail transforme une masse toujours plus gigantesque de capital constant, ce qui fait que pour obtenir un même profit, il faut avancer une masse toujours plus gigantesque de capitaux. Cette baisse tendancielle du taux de profit est compensée en partie, mais en partie seulement, par la baisse relative du salaire ; car plus la productivité du travail augmente, plus la valeur des produit qui entre dans la consommation des travailleurs diminue et plus le salaire diminue. Phénomène qui est masqué par l’inflation. Il resque l’accumulation du capital dans le secteur des moyens de production croît plus rapidement que dans le secteur des moyens de consommation, c’est pourquoi cette compensation n’est que partielle.

On comprend donc aisément qu’aucune politique économique bourgeoise ne peut apporter de solution à la crise du capitalisme. Et ce ne sont pas les différents courants souverainistes, qu’ils soient de droite, d’extrême droite, ou de gauche, qui proposent un recentrage sur la nation et un retour de l’étatisme qui peut apporter une quelconque solution. D’autant plus que leur programme économique, lorsqu’ils en ont un, est un mélange inconsistant de keynésianisme et de néolibéralisme. Ils ne peuvent répondre ni au problème de la baisse tendancielle du taux de profit qui engendre un ralentissement général de l’accumulation du capital, ni au déséquilibre entre production et marché qui conduit périodiquement à des crises de surproduction.

Trump dans son bras de fer avec la Chine, pour rééquilibrer les échanges commerciaux entre les deux nations, ne doit pas seulement se battre contre le gouvernement chinois, mais aussi et surtout contre ses propres industriels et financiers qui préfèrent investir en Chine ou au Mexique, seule solution qu’ils ont trouvé face à la baisse tendancielle du taux de profit.

A la suite de la récession de 2008‑2009, les critiques contre la Chine qui use et abuse de la sous-évaluation de sa monnaie et des subventions à l’export de son industrie, se sont faites plus pressentes et plus virulentes aux Etats‑Unis. En 2011 le sénateur de New‑York, Charles Shummer déposa une proposition de loi ayant pour objet de créer des taxes supplémentaires sur les biens importés de pays dont la devise est sous‑évaluée. Voici comment il justifia sa proposition de loi devant le sénat : « Nous sommes dans une guerre commerciale et on se fait nettoyer tous les jours, et on perd des jobs tous les jours à cause des pratiques inéquitables de la Chine ». Voilà qui a le mérite d’être clair. Mais contrairement à ce que croit cet illustre sénateur, le commerce équitable n’existe pas : c’est la loi de celui qui est plus fort économiquement qui prévaut. Ce qui fait que le commerce international ne peut conduire qu’à la guerre commerciale, puis à la guerre tout court, comme en 1914, puis en 1939 !

Barack Obama, pressé par la situation économique préoccupante des Etats‑Unis, à son tour, lors d’une conférence de presse, mit en garde la Chine : « La Chine a été très agressive en jouant les échanges commerciaux à son avantage et au détriment d’autres pays, particulièrement les Etats‑Unis. »

La Chine ne manqua pas, évidemment, de riposter violemment. Ces deux citations montrent que la préoccupation des Etats‑Unis, vis‑à‑vis des excédents commerciaux de la Chine n’est pas nouvelle. Elle n’est pas sans nous rappeler la même préoccupation vis‑à‑vis du Japon au temps de Lyndon B Johnson.

Nous avons rapporté ces deux citations, non pas temps pour souligner que la critique de Trump, vis‑à‑vis de la Chine et de ses excédents commerciaux n’est pas nouvelle, que pour introduire la citation fort intéressante qui vient.

A la suite de la critique de Barack Obama, le journal « Les Echos » du 10 octobre 2011 – journal néolibéral – interviewa Karl de Gucht, commissaire européen au commerce.

A la question du journaliste : « Partagez-vous la critique de Barak Obama, qui accuse la Chine de « fausser » les échanges en intervenant sur le yuan ? », le commissaire répondit : «  (...) Ce n’est pas en imposant de telles mesures qu’on relancera le monde, même si je pense que le projet n’ira pas à son terme. Par ailleurs, concernant l’Europe, il faut regarder tous les aspects du problème. Deux tiers de ce que nous importons de Chine est réexporté. Donc si le yuan monte, nos importations deviendront plus onéreuses. Et deux tiers de ces deux tiers sont produits en Chine par nos entreprises. »

Et oui, les monopoles européens et nord-américains préfèrent produire toute une partie des composants qui entrent dans le produit final en Chine, plutôt que sur le sol de la mère patrie, car le taux de profit y est nettement plus élevé. Mais ceci, notre commissaire au commerce se garde bien de nous le dire. Ce qui fait que Trump, dans son bras de fer avec la Chine, a déjà perdu le combat. Tout ce qu’il peut faire, c’est pousser les grandes entreprises américaines à délocaliser de Chine pour s’implanter dans d’autres pays « amis 3 », comme le Vietnam, l’Inde et le Mexique. Ce faisant il ne résoudra pas son problème de déficit commercial, mais il affaiblira un concurrent qui se prépare à prendre la place des Etats‑Unis à la tête du monde. Toutefois, à la différence de l’industrie textile, qui demande beaucoup de mains d’œuvre et peu de capitaux, on ne délocalise pas des industries qui ont requis des milliards de dollars d’investissement et des années de développement en un tour de main, il faut une longue préparation.

Autre exemple de l’impuissance du courant souverainiste, si l’on prend le gouvernement de la coalition italienne : il est à la recherche de quelque milliards pour financer son programme de « relance économique ». Ce qui le conduit à aggraver le déficit et à augmenter la dette déjà colossale de l’État italien – au bas mot, 132% du PIB – et à s’attirer les foudres de Bruxelles. S’il le voulait, il pourrait facilement trouver ces quelques milliards : il suffit de contraindre la bourgeoisie italienne à payer ses impôts ; mais pour ça il faut user du bâton, or il en est totalement incapable. D’autant plus, qu’à l’instar des néolibéraux, et tout comme Trump, il veut diminuer les impôts pour la bourgeoisie.

Ces guignols auraient la prétention de résoudre la crise du capitalisme ? Il y a de quoi rire. Non seulement ils ne comprennent pas l’origine de la crise du capitalisme, mais cela leur passe totalement par dessus la tête.

La seule solution que la bourgeoisie ait trouvé historiquement est d’entraîner le prolétariat et l’humanité dans un conflit mondial. Par deux fois elle y a réussit, et dans un avenir assez proche elle nous présentera de nouveau cette solution en hissant l’étendard de la défense des libertés pour les unes et de la lutte contre l’impérialisme américain ou occidental pour les autres.

Ce massacre immonde et réactionnaire, en rajeunissant la composition organique du capital, par deux fois, a permis de reporter l’échéance révolutionnaire et de recommencer un nouveau cycle d’accumulation.

La crise du capitalisme pose la nécessité du passage à la société communiste. Ce qui ne peut se résoudre que par le renversement politique de la bourgeoisie, qu’elle soit industrielle, financière ou terrienne, par son expropriation et le passage à une gestion communiste de la production et de la distribution.

Ceci implique l’abolition du capital et du salariat et donc la fin de toute production marchande et de tout échange. A la comptabilité mercantile, nous, communistes, substituerons une comptabilité physique et centralisée. Nous développerons plus loin notre programme.


OÙ EN EST‑ON AUJOURD’HUI ?
La vielle taupe à l’œuvre

On arrive en fin de course, là où le drame va se dénouer en se transformant en tragédie. 2008‑2009 a été, et de loin, la plus grave récession d’après-guerre. Sans l’intervention des États et des banques centrales elle aurait pu devenir un nouveau 1929. L’intervention énergique des États et des Banques Centrales a permis de sauver le système financier en rétablissant la circulation inter-bancaire et d’éviter l’effondrement des cours, c’est-à-dire la déflation ; la grande peur de la bourgeoisie. Cependant cela a entraîné un endettement colossal des États : l’endettement de l’État français sous Sarkozy est passé de 64,3% du PIB en 2007 à 89,5% en 2012 et aujourd’hui il avoisine les 100% du PIB. La dette des États irlandais et espagnol qui n’était que de 30% du PIB avant la crise, atteint en 2018 pour le premier 64,8% et pour le second 97,1%. Et que dire de la dette de l’État italien qui dépasse les 132% ! Sans parler de tous les autres, le Japon par exemple, qui bat tous les records avec une dette publique supérieure à 240% du PIB.

Quant aux banques centrales, elles ont vu leur bilan se gonfler démesurément de plusieurs milliers de milliards de dollars, qui correspondent à autant de créances, par suite de leurs achats massifs de bons du trésor et d’obligations d’entreprises, sans oublier les prêts de plusieurs centaines de milliards aux banques. Que par suite de la crise de surproduction de grandes banques tombent en faillite ou que des Etats, comme l’Etat italien, deviennent insolvables, et c’est le cœur du système financier qui se trouve touché : des centaines de milliards de dollars de prêts et d’obligations ne pourraient plus être remboursés. Or ces prêts et ces achats réalisés par les banques centrales sont effectués, non avec de l’argent qui leur appartient en propre, mais avec les dépôts des banques auprès de la banques centrale. Si bien que si la banque centrale se retrouve avec des titres qui ne peuvent plus être remboursés, c’est tout le système bancaire qui est atteint : le pompier se transforme alors en pyromane !

Déjà l’intervention des banques centrales, d’abord salvatrice, se transforme dialectiquement en son contraire : le maintien de taux d’intérêt très bas pousse de nombreux organismes financiers à faire des placements de plus en plus risqués afin d’obtenir de meilleurs rendements. Dans le même temps, ces mêmes taux bas poussent les entreprises, les particuliers et les Etats à s’endetter toujours plus. Ce qui, lors de la prochaine récession, entraînera une explosion des impayés et une multiplication des faillites. Alors de nombreux « barrages » céderont et les banques centrales elle‑mêmes seront touchées.

Dans cette course à l’endettement pour sauver le mode de production capitaliste et continuer l’accumulation forcenée du capital, la Chine vient en tête en représentant 40% de la hausse de la dette mondiale depuis 2007 et les 3/4 de la hausse de la dette privée mondiale, d’après le FMI.

Voici brossé rapidement le tableau de la situation financière.

Qu’en est‑il de la production industrielle ? Là où se joue le sort de l’accumulation du capital. Car contrairement à se que croient nos bourgeois et leurs économistes en tête, qui renversent la réalité, ce n’est pas le marché qui détermine l’accumulation du capital, mais la production, grâce à la plus‑value, cette partie du travail qui excède le salaire et qui est la source de la plus‑value. La spéculation, en faisant monter le prix des matières premières et des titres, ou des biens immobiliers, ne crée aucune valeur, aucune richesse, elle permet de faire passer d’une poche à l’autre de la plus‑value extorquée au prolétariat.

Que la valeur des actions ou des biens immobiliers monte, ou que par suite d’un krach boursier leur valeur s’effondre, la société ne se retrouve pas plus riche, ni plus pauvre d’un liard ; par contre les détenteurs de ces titres et biens perdent leur faculté d’empocher la plus‑value produite par le prolétariat. Notre action de ce point de vue sera radicale ; nous exproprierons toute cette bande de parasites.


La montagne russe

7 ans après la récession des années 2001‑2003, comme une mécanique d’horloge, la crise de surproduction a fait son retour, avec une force dépassant et de loin celle de 1975‑1976. Elle était annoncée par la décroissance continue, de cycle en cycle, des incréments de l’accumulation du capital.

Jugez par vous mêmes de sa force ; chute de la production : Etats‑Unis ‑14,5% pour l’ensemble de l’industrie et ‑17,9% pour la seule production manufacturière, Japon ‑23,3% et ‑24,5%, Allemagne ‑17,4% et ‑17,2% – la production minière n’a pratiquement plus de poids dans l’ensemble de la production industrielle allemande – France ‑14,8% et ‑16,7%, Royaume‑Uni ‑13,5% et ‑11,9% – la différence des deux incréments indique une importante chute de la production pétrolière, ce qui correspond à la forte baisse de la demande – Italie ‑21,9% et ‑22% – l’Italie n’a pratiquement plus de ressource minière.

Si l’on se réfère à la chute des exportations mondiales, l’on a ‑22,3% en valeur et ‑19% en volume. La chute en volume est un peu plus faible, car pour vendre, les prix ont été bradés. Avec la crise de 2008‑2009 on a eu une déflation des prix. Nous rapportons ci‑dessous un tableau plus complet sur cette crise.

RÉCESSION 2008‑2009
Chute des exportations au niveau mondial
En value 2009-2007 -22,30%
En Volume 2009-2006 -19,00%
Chute de la production par pays
  Ensemble
de l’In-
dustrie
Manu-
facture
USA -14,5% -17,9%
Japon -23,3% -24,5%
Allemagne -17,4% -17,2%
France -14,8% -16,7%
Royaume-Uni -13,5% -11,9%
Italie -21,9% -22,0%

C’est la première crise de cet après guerre qui s’accompagne d’une déflation. Celle‑ci a été jugulée temporairement avec difficultés et au bout de plusieurs années par l’intervention vigoureuse des banques centrales. Elle reste toutefois sous‑jacente car il n’y a pas eu de vrai reprise vigoureuse qui aurait permis de dépasser le maximum atteint lors du dernier cycle. La plus‑part des pays voient leur production industrielle toujours inférieure à celle qu’elle était lors du maximum atteint en 2007 ; Italie : ‑17,8%, Royaume‑Uni : ‑9,2%, France : ‑9,1%, Japon : ‑10,9%, Etats‑Unis : +3,9%, grâce au gaz et au pétrole de schiste, mais la production manufacturière est toujours inférieure de 3,7% par rapport au maximum de 2007. Quant à la construction elle est dans les choux avec un ‑47,8% en 2018 par rapport à son maximum de 2004. Parmi les grands pays impérialistes, seul l’Allemagne a dépassé le maximum de 2008 avec un mirobolant +8,2%. Toutefois nous verrons que ces dernier mois l’Allemagne se trouve en récession. Pour ce qui est de la Chine, nous ne nous appuierons pas sur les indices de la production industrielle qui sont bidons, mais lors de notre analyse de ce pays nous utiliseront les données physiques qui mettent en évidence une récession en 2015‑2016.

Pour résumer, après la récession de 2008‑2009, l’on a eu une forte reprise en 2009‑2010, sans que pour autant les différents pays industriels retrouvent le maximum atteint en 2007, loin s’en faut. Puis de nouveau une récession en 2012‑2014, sauf aux Etats‑Unis, où la reprise, beaucoup plus lentement à continuée. Puis en 2015‑2016 l’on a eu une récession aux Etats‑Unis, en Chine et dans différents Etats asiatiques. Ensuite les mesures incitatives budgétaires et des banques centrales, accompagnées de la forte baisse du prix des matières premières, ont fini par se traduire par une reprise économique générale en 2017 et 2018. Mais depuis le second semestre de l’année 2018, l’on assiste partout à un fort ralentissement, qui s’est transformé en récession ces derniers mois dans nombres de pays : Allemagne, Japon, Italie, France, etc. Récession qui reste à confirmer dans les mois qui viennent. Mais déjà la FED ne « parle » plus de relever les taux et la BCE se dit prête à intervenir de nouveau avec tous les moyens à sa disposition si nécessaire.

(Suite au prochain numéro)


 


1 N’oublions que ces soit disant « trente glorieuses » reposaient sur le massacre de la deuxième guerre mondiale qui a fait au minimum 50 millions de morts.

2 Selon les institutions et leur mode de calcul, le taux d’endettement des différents pays et l’endettement globale à l’échelle mondiale qui en résulte varie sensiblement. Ainsi d’après l’IIF – Institute of International finance – qui représentent plus de 500 institutions bancaires et financières à travers le monde, la dette mondiale s’élevait en 2017 à 237 milles milliards de dollars, soit 317,8% du PIB mondial. Le FMI ne s’explique pas sur la divergence de ses calculs avec ceux de l’IIF.

3 Les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts, c’est pourquoi nous mettons le mot entre guillemet. La bourgeoisie, dans ses relations d’État à État, use et abuse du slogan, « amitié entre les peuples », qui sert à maquiller ses relations d’intérêts entre Etats. Lorsque ses intérêts l’exigent, les Etats n’hésitent pas à opérer un virage à 180° et à jeter aux orties la fameuse amitié entre les peuples. C’est ce qu’a fait, par exemple, l’État français lors du démembrement de la Yougoslavie, où il n’a pas hésité à laisser tomber les Serbe et une « amitié » séculaire, pour soutenir la politique impérialiste de démembrement menée par les Etats‑Unis et l’Allemagne. D’ailleurs le plus souvent les Etats ont plusieurs fers au feux et même une diplomatie duplicitaire. Seule les petits bourgeois peuvent croire qu’il pourrait en être autrement.