Parti Communiste International
 
16 décembre 2021
 
LA COLÈRE AUX ANTILLES FRANÇAISES
GUADELOUPE ET MARTINIQUE

 
Les deux îles longtemps rivales
Une situation économico-sociale désastreuse depuis des décennies
Les principaux syndicats en Guadeloupe et en Martinique
Les désastres sanitaires et économiques du chlordécone et de l’épidémie Covid19 sur fond de crise sociale
Les mouvements sociaux débutent dès l’été 2021
Appel à la grève générale en Guadeloupe et en Martinique
La plate-forme de revendications du LPK
L’autonomie ou l’indépendance ?



La colère qui embrase la Guadeloupe “la rebelle” suivie de peu par la Martinique depuis mi-novembre 2021 constitue un nouvel épisode de lutte dans les territoires d’outre mer français contre la dégradation des conditions de vie de la population, aggravée par la crise sanitaire. Il est présenté à tort par nos médias comme un mouvement de contestation de la vaccination obligatoire contre le Covid19. Il a débuté le lundi 15 novembre à la Guadeloupe, avec un appel à la grève générale d’un collectif d’organisations syndicales et citoyennes, le LKP, et en Martinique le lundi 22 novembre à l’appel d’une intersyndicale menée par la CGT martiniquaise. Mais le mouvement a démarré dès juillet 2021 dans les deux îles et les revendications portent principalement sur la dégradation des structures sanitaires aggravée par la Covid19, et bien d’autres exigences liées à la situation socio-économique désastreuse qui mine ces îles depuis des décennies, comme par ailleurs la plupart des territoires français d’outre mer.

Si l’obligation du passe sanitaire et les suspensions de pompiers et de personnel soignant ont mis le feu aux poudres au mois de septembre, la situation sociale en Guadeloupe comme en Martinique constitue une poudrière depuis bien plus longtemps et donc une épine pour le gouvernement Macron, déjà bien occupé par la future campagne présidentielle. Depuis le 4 décembre, le calme semblait revenu grâce à l’importances des forces répressives mais des îlots de résistance subsistent ; les négociations sont en cours surtout en Martinique, alors qu’en Guadeloupe, le 14 décembre encore, les syndicats et même les élus locaux refusaient de poursuivre les discussions. L’armada policière lève les barrages les uns après les autres, les tribunaux fonctionnent à plein rendement pour “punir” les personnes arrêtées pour violences, principalement des jeunes.

Quelle sera l’issue de ce nouveau conflit si les classes travailleuses des territoires d’outre mer ne peuvent compter sur la solidarité des prolétaires de l’Hexagone dont les organisations syndicales se font très discrètes sur le sujet – et autres luttes de l’ Hexagone ?


Les deux îles longtemps rivales

Guadeloupe et Martinique sont des îles sœurs volcanique de la Mer des Caraïbes au climat, faune et flore très similaires pour une superficie de 1 700 km² pour la première et 1 000 km² pour la seconde, et des populations d’environ 450 000 habitants chacune. Pourtant pendant des siècles ces deux îles sont demeurées rivales en raison d’un développement économique différent. La colonisation française se fit au 17ème siècle à partir d’une petite île Saint Christophe, pour la culture de la canne à sucre nécessitant la traite négrière. Mais la colonisation de la Martinique fut plus prospère que celle de la Guadeloupe car menée par des entrepreneurs plus chanceux qui en firent le siège du gouvernement des Antilles françaises dans la ville de Saint Pierre dès 1668, entraînant un développement économique prépondérant pour le négoce de marchandises et d’esclaves pour les plantations, et donc beaucoup plus florissant que celui de la Guadeloupe. L’esclavage fut aboli en 1794 par la révolution française seulement en Guadeloupe où les planteurs furent chassés ou guillotinés, tandis qu’en Martinique, occupée par les Anglais de 1794 à 1814, les planteurs furent protégés de l’abolition de l’esclavage et leur statut social respecté.

Rétabli en 1802 par Napoléon, l’esclavage fut définitivement aboli en 1848 pour les deux îles. Mais en Martinique s’était développée une véritable caste de planteurs, blancs-créole ou békés, descendants des premiers colons européens, principalement français, mais aussi anglais et hollandais, métissés par des concubinages avec les esclaves, ou des esclaves affranchis. Avec la grave crise sucrière de 1884, les planteurs guadeloupéens furent ruinés et leurs plantations rachetées par des sociétés métropolitaines et par des familles békés de Martinique qui resteront jusqu’à ce jour dans les deux îles une composante sociale formant une “caste” au poids économique important. Aujourd’hui leur monopole est entamé par l’arrivée d’investisseurs métropolitains et l’émergence dans les années 1990 d’une grande bourgeoisie métisse, indienne ou chinoise. Dans la lutte qui oppose aujourd’hui travailleurs et patrons, le béké n’est plus le seul à être désigné comme l’exploiteur !


Une situation économico-sociale désastreuse depuis des décennies

Un groupe de sénateurs a remis un rapport très détaillé dès novembre 2021 sur la situation économique, sociale et sanitaire pour tous les territoires français d’outre mer (Martinique, Guadeloupe, Guyane, Nouvelle Calédonie, Polynésie, Réunion, Mayotte, etc. soit plus de 2,6 millions d’habitants). Pour les sénateurs français, le cri d’alarme poussé l’an dernier par la rapporteure sur la crise que traverse le tissu économique et social ultramarin mériterait de trouver un écho renforcé cette année. La bourgeoisie française et son larbin de gouvernement connaît donc bien le sujet !

Ces territoires se caractérisent par des indicateurs sociaux plus dégradés que la moyenne française. Ainsi du chômage, qui en 2020 s’est élevé par exemple à près de 19% en Guadeloupe, 13% en Martinique, 17% à La Réunion, 11% en Nouvelle-Calédonie (mais 15% pour les Kanaks), 15% en Polynésie française. Egalement du taux de pauvreté, qui atteint quant à lui 30% en Martinique et en Guadeloupe, 42% à La Réunion, 53% en Guyane et même 77% à Mayotte. La vie y est plus chère qu’en Hexagone et les salaires plus bas. A ces difficultés s’ajoutent pour nos sénateurs, un contexte social éruptif (sic), un taux plus élevé d’infractions violentes et de violences intrafamiliales, un temps effectif d’étude inférieur affecté par l’insuffisance des transports scolaires par rapport à l’Hexagone.

L’économie de ces territoires est caractérisée par leur entière dépendance vis à vis des subsides de l’Etat central, des importations, et du tourisme. En 2021, alors que la croissance serait de 6,75% dans l’Hexagone, le rebond ultramarin a été contrarié par de nouvelles restrictions sanitaires. Des confinements et couvre-feux ont été décidés en août et septembre 2021, au moment où la situation sanitaire semblait plus favorable dans l’Hexagone, alors que ces territoires, jusqu’à l’été dernier, étaient moins touchés par l’épidémie. Le tourisme revêt une importance cruciale pour les économies ultramarines (il est déterminant aux Antilles : 30% du PIB de la Guadeloupe, par exemple), d’autant plus qu’il exerce un fort effet d’entraînement sur d’autres secteurs – transports, restauration, loisirs – représentant jusqu’à 10% d’emplois directs et autant d’emplois indirects. Les outre-mer font face à des pénuries et à la hausse de prix des matières premières et des matériaux, liées à la désorganisation du transport maritime de marchandises et à la surchauffe de l’économie, alors même que l’activité n’est pas revenue à son niveau antérieur...

Le secteur public au sens large (fonction publique de l’Etat, territoriale et hospitalière et fréquemment organismes parapublics) bénéficie d’un régime de surrémunérations. On rappellera en effet qu’en application de la loi du 3 avril 1950, le traitement servi aux fonctionnaires venant de l’Hexagone en poste dans les départements d’outre-mer est affecté d’un coefficient multiplicateur qui, fixé à 40% en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane, atteint 53% à la Réunion. Vient en outre s’ajouter à cette majoration, le cas échéant, le versement d’une indemnité d’éloignement lorsqu’un déplacement réel du fonctionnaire a été occasionné. A la Réunion, les retraites publiques sont également bonifiées, à un taux de 35%. Cela crée donc un fossé au sein de la fonction publique entre le personnel originaire de l’Hexagone et celui autochtone.

En définitive, l’économie des départements d’outre-mer est fortement dépendante à l’égard de la métropole et les échanges extérieurs sont très déficitaires. Ces échanges se font essentiellement avec la métropole (à hauteur de 60 à 65%), les relations commerciales avec les pays environnants restant le plus souvent marginales. Le taux de couverture des importations par les exportations est très faible et tend constamment à diminuer : en 1998, il s’élevait seulement à 7% pour la Guadeloupe, 17% pour la Guyane, 17% pour la Martinique et 8% pour la Réunion. En effet, les outre-mer disposant d’une faible base industrielle, une grande partie de la consommation des ménages et des entreprises y provient des importations et une part significative des débouchés sont liés aux exportations. La rupture mondiale des chaînes d’approvisionnement a désorganisé la production internationale de biens manufacturés, diminué le flux d’importations et entraîné la fermeture des marchés de destination des entreprises ultramarines avec de faibles possibilités de se reporter sur le marché local.

Une autre caractéristique des outre-mer est la très forte proportion de TPE (très petites entreprises), souvent sous le régime de l’entrepreneur individuel, et de PME (petites et moyennes) pour 95% environ. 84% des entreprises de Guadeloupe n’auraient aucun salarié, 81% en Martinique et 65% en Guyane.

Or ces petites entreprises sont plus vulnérables aux chocs économiques, a fortiori de cette ampleur, compte tenu de leur plus faible trésorerie, de leur moindre rentabilité et des réticences des banques à leur octroyer des prêts. Leur besoin en fonds de roulement (décalage de trésorerie entre les encaissements et les décaissements) est supérieur à celui constaté dans l’Hexagone.

Quant à la part de l’économie informelle (c’est-à-dire non déclarée aux organismes étatiques comme celle familiale, ou illégale) dans le PIB, elle est outre-mer beaucoup plus importante que dans l’Hexagone. En Guadeloupe, le secteur informel représenterait entre 23 et 26,5% des emplois, entre 19 et 20% en Martinique et de 12,5 à 16,5% à la Réunion. Les entreprises du secteur informel ne sont pas éligibles aux aides étatiques et sont concentrées dans les activités les plus affectées, comme le commerce de détail ou la construction.


Les principaux syndicats en Guadeloupe et en Martinique

Alors que la population des deux îles est en grande majorité opposée à l’indépendance, la Martinique, suite à un référendum de 2011, se caractérise comme la Guyane par un statut politique plus autonome que celui de la Guadeloupe, en passant du statut de département à celui de collectivité territoriale, régie par une assemblée unique contrôlée par des indépendantistes modérés issus de différents partis, et moins hostiles à l’ Etat central, alors que la Guadeloupe reste administrée par deux assemblées, les conseils général et régional. Mais dans les faits, la situation sociale est la même pour les deux îles.

En Guadeloupe, le collectif guadeloupéen LKP (en créole : liyannaj kont pwofitasyon, ou collectif contre l’exploitation outrancière) qui regroupe une cinquantaine d’organisations syndicales, associatives, politiques et culturelles, dirige les luttes depuis 2009 avec à sa tête le secrétaire général du syndicat majoritaire, l’UGTG, syndicat à revendication indépendantiste.

Les principaux syndicats guadeloupéens sont l’UGTG indépendantiste et la CGTG au discours classiste. L’Union générale des travailleurs de Guadeloupe, Unyon Général a Travayè Gwadloup en créole guadeloupéen, est une organisation syndicale, très centralisée, fondée en décembre 1973, mais qui affiche aussi des objectifs politiques, indépendantistes et “anti colonialistes”. Depuis son origine, elle est dirigée par des militants issus du mouvement indépendantiste guadeloupéen, mais la majorité des travailleurs qui adhèrent à ce syndicat ne sont pas nationalistes. Implanté initialement dans l’industrie sucrière qui va ensuite décliner, ce syndicat gagne de l’influence dans les administrations publiques, le commerce et les petites entreprises. L’UGTG revendique donc son appartenance à l’option patriotique et affirme l’identité guadeloupéenne. La CGTG l’accuse de soutenir le patronat guadeloupéen plutôt que les ouvriers ! En effet le principal ennemi de l’UGTG est l’Etat français ! Aujourd’hui l’UGTG est le syndicat majoritaire en Guadeloupe. Elle a obtenu 52% des voix aux élections prud’homales de 2008 contre 20% à la CGTG et 9% à la Centrale des Travailleurs Unis.

La CGTG (Confédération générale des travailleurs de Guadeloupe) arrive donc au deuxième rang. Elle s’est séparée de la CGT française en 1961, mais elle entretient avec elle, jusqu’à nos jours, un rapport de coopération et d’entraide qui fut réaffirmé publiquement à plusieurs reprises. Pendant de nombreuses années, la politique timorée, modérée, peu combative de la direction de la CGTG, a provoqué une hémorragie de nombreux syndicats de base qui sont allés renforcer l’UGTG. Par exemple, dans la canne à sucre, les usines sucrières, les supermarchés, les grands hôtels, les collectivités locales, les municipalités, etc. Depuis 2004, elle est dirigée par un militant de l’organisation trotskiste, Combat Ouvrier, lié à l’organisation française Lutte Ouvrière, et se revendique de la lutte des classes. La CGTG est bien moins implantée que la CGTM de la Martinique.

L’une des difficultés qui entrava le renforcement de la CGTG fut, à partir des années 1980 une mutation progressive de la classe ouvrière de l’île. Les usines à sucre avaient fermé, pour n’en laisser que deux actuellement transférées sur la petite île voisine de Marie-Galante. La surface cannière fut réduite et la mécanisation fit quasiment disparaître les coupeurs de canne et les amarreuses (les femmes liaient les cannes en paquets). Les békés se sont reconvertis alors dans les plantations de banane qui remplacèrent la canne. Le syndicat CGTG des ouvriers de la banane renaquit et se renforça considérablement, notamment au cours de plusieurs grèves et luttes mémorables. Mais depuis quelque temps plusieurs plantations de banane ont fermé, mettant au chômage des centaines de travailleurs agricoles. Du coup, cette situation affecte le syndicat des ouvriers de la banane dont les travailleurs se trouvent en nombre réduit. Le prolétariat n’est plus concentré dans le secteur agricole. D’autres zones prennent de l’ampleur, où les travailleurs se concentrent dans des petites entreprises et dans des emplois souvent précaires. Le chômage s’est accru, frappant en priorité les femmes et les jeunes qui émigrent massivement vers la France ou n’obtiennent que de petits boulots, et des contrats à durée déterminée.

En Martinique, les deux organisations syndicales les plus influentes sont principalement la CGTM puis la CDMT. La CGTM (Confédération générale du travail de la Martinique) s’est séparée de la CGT en 1976 et est le premier syndicat de l’île ; dirigé depuis 1990 par un militant de Combat Ouvrier (comme la CGTG) ; elle a des bastions dans les services publics, les dockers, la récolte de la banane ; elle s’est réaffiliée à la CGT en septembre 2021 en raison de modifications légales qui limiteraient sa représentativité. La CDMT (Centrale démocratique martiniquaise des travailleurs) s’affirme comme un syndicat de lutte de classe, démocratique, anticolonialiste et anti capitaliste. Ce syndicat est dirigé par un militant d’un parti trotkyste proche du NPA. La CSTM (Centrale syndicale des travailleurs martiniquais) arrive en troisième position ; elle est issu d’une scission de Force Ouvrière en 1974 après le mouvement de grève de février 1974 des ouvriers de la banane, durement réprimé, et elle est proche du mouvement indépendantiste.


Les désastres sanitaires et économiques du chlordécone et de l’épidémie Covid19 sur fond de crise sociale

La colère a grandi sur les cendres d’un scandale sanitaire ancien : celui du chlordécone, un pesticide hautement toxique, utilisé dans les Antilles avec l’assentiment des autorités de 1972 jusqu’en 1993, alors qu’il avait été interdit en France métropolitaine depuis 1990 et aux USA depuis 1976. Ce pesticide utilisé sur les plantations de bananes, menacées par les charançons, a provoqué une importante et durable pollution du sol, des eaux et de la population aux Antilles. Or sa dangerosité est pourtant connue depuis les années 60, et son utilisation a causé des dégâts sanitaires incalculables : selon Santé Publique France, entre 1972 et 1993, neuf dixièmes des habitants de Martinique et de Guadeloupe ont été contaminés par cette substance, et aujourd’hui, ces habitants présentent un taux d’incidence pour le cancer de la prostate parmi les plus élevés au monde. Depuis plus de vingt ans, des procès sont en cours contre les propriétaires des plantations qui sont le plus souvent des familles békés très puissantes, mais aucune condamnation n’est encore prononcée, et encore mois des réparations entreprises pour les malades et les dégâts occasionnés. Depuis novembre 2019, chaque samedi des actions sont menées contre les entreprises, supermarchés, etc appartenant à ces familles békés, actions sanctionnées sévèrement par les forces de l’Etat.

Quant à l’épidémie de la Covid19, elle avait jusqu’alors peu touché ces territoires. Mais la quatrième vague de la pandémie a fortement frappé et a été aggravée par les mesures sanitaires peu efficaces, la carence de soins et les difficultés sociales dans tous les territoires d’outre-mer. Le bilan de la 4ème vague de l’épidémie a été extrêmement lourd pour ces départements en général : les outre-mer représentent 4% de la population française, mais plus de 30% des décès liés au Covid y est survenu en milieu hospitalier de début juillet à fin octobre, alors que jusqu’alors, ces mêmes territoires ultramarins n’avaient représenté que 3% des décès. Le nombre des décès à domicile, qui n’est pas comptabilisé à ce stade, alourdit plus encore le bilan. C’est en Martinique, en Guadeloupe et en Polynésie française que la mortalité a été la plus élevée. Sur les mois de juillet à octobre 2021, de l’ordre de 580 décès hospitaliers liés au Covid ont été enregistrés en Guadeloupe et 520 en Martinique. Cette surmortalité s’explique non seulement par un état de comorbidités le plus souvent liées à la pauvreté, mais aussi par un secteur sanitaire en pleine dégradation (manque de personnel, de lits, de matériel surtout des appareils respiratoires, désorganisation des secteurs hospitaliers comme les Centres Hospitalo Universitaires, etc.) encore plus grave qu’en métropole. En ce qui concerne les comorbidités, si la Guadeloupe et la Martinique ont une part des plus de 60 ans équivalente – et même supérieure en ce qui concerne la Martinique – à celle de l’Hexagone (27%), les comorbidités associées à un risque grave de Covid19 sont beaucoup plus présentes outre-mer qu’en moyenne nationale (surpoids 55 et 60% de la population adulte contre 47 dans l’Hexagone ; obésité 23% en Guadeloupe et 28% en Martinique de la population adulte contre 17% dans l’Hexagone ; HTA et diabète traité).

Malgré une multiplication des capacités de réanimation, l’envoi massif de renforts (4 600 soignants en 3 mois), plus de 150 évacuations sanitaires vers l’Hexagone, les hôpitaux ont été débordés et les réanimations saturées. Les Antilles ont connu un véritable “tsunami” épidémique et une situation relevant de la médecine de catastrophe. La priorisation des patients a été nécessaire à un degré sans équivalent sur le territoire national depuis le début de la pandémie. Plus d’un millier de patients ont été pris en charge à domicile, les professionnels libéraux manquant parfois de soutien sur la conduite à tenir ou pour l’approvisionnement en oxygène. Le diagnostic et le traitement des pathologies non-covid a pris un retard considérable, avec un impact sur la surmortalité qui reste à évaluer. Dans un contexte tendu de contestation de la politique sanitaire, les équipes hospitalières ont été très éprouvées. Au cours du mois d’août, le taux d’incidence est monté jusqu’à 1 200 cas pour 100 000 habitants en Martinique, 2 340 en Guadeloupe et cette 4ème vague en termes de cas positif a été 4 fois supérieure en Guadeloupe et 5 fois en Martinique au cumul des deuxième (automne 2020) et troisième vagues (printemps 2021).

L’état d’urgence sanitaire devait rester en vigueur en Guadeloupe jusqu’au 15 novembre 2021. Il ne demeure applicable qu’à la Guyane et à la Martinique, jusqu’au 31 décembre prochain.

En ce qui concerne la vaccination anti-covid, au 15 novembre 21, seuls 32,7% avait reçu les 2 doses en Guadeloupe et 34,2% en Martinique. En Guyane, le taux de vaccination deux doses est de 25,5% mais une étude de l’Institut Pasteur de Guyane concluait au fait que 63,9% de la population possédait des anticorps anti Covid en ayant contracté la maladie ou par la vaccination.

L’hostilité, les réticences ou les doutes vis-à-vis du vaccin y trouvent un écho beaucoup plus important encore que dans l’Hexagone pour de multiples raisons : préférence pour la pharmacopée traditionnelle, expérience des risques naturels relativisant ceux liés au virus, place démesurée des réseaux sociaux qui peuvent être des vecteurs de fausses informations, mais surtout la défiance d’une partie de la population vis-à-vis de l’État et de la parole officielle, pour des motifs tenant à l’histoire des conflits meurtriers, et au scandale sanitaire de la chlordécone, à l’incapacité de l’Etat central à préserver l’alimentation en eau (état catastrophique des réseaux d’approvisionnement), les transports, et un système sanitaire efficace.

L’annonce de l’obligation de la vaccination pour les soignants à partir du 16 novembre a été la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Pour beaucoup d’antillais, l’instrumentalisation de la question vaccinale par les pouvoirs publics ne cherchent qu’à masquer les problèmes de fond ; de même les syndicats “utilisent” l’opposition à la vaccination pour mobiliser les travailleurs. Parmi les soignants de l’île, le taux de vaccination contre le Covid19 en novembre s’élève à 85%, mais des poches de résistance subsistent, et on dénombrait le 22 novembre, 566 suspensions au CHU de Pointe-à-Pitre pour défaut de vaccination. Les taux de vaccination de toute la population restent en effet faibles : en Guadeloupe (36,39% au 17 novembre) et en Martinique (40,3% au 28 novembre) de la population.

Mais il n’y a pas que cet élément qui attise la frustration et la colère des habitants. A Pointe à Pitre, la population constate chaque jour la paupérisation croissante de la commune. Des artères commerciales entières sont désormais désaffectées, les rideaux des magasins baissés, tagués ou abîmés. Le maire de la ville, Harry Durmel (EELV parti écologique) ne veut pas excuser les débordements, mais, dit-il, pour que le terreau favorable à cette colère existe, c’est qu’ « il y a une défiance à l’égard de la puissance publique. Ce qui se passe aujourd’hui est complètement prévisible », explique Elie Domota, secrétaire de l’Union des travailleurs de Guadeloupe, interrogé à la télévision, « nous les guadeloupéens, nous sommes un peuple, nous avons une histoire, et nous demandons à être écoutés quand nous avons des doutes, des doutes légitimes. Vous pouvez venir nous raconter tout ce que vous voulez, nous n’avons pas confiance ».


Les mouvements sociaux débutent dès l’été 2021

Rappelons que depuis des décennies, la situation économique délétère a provoqué régulièrement des mouvements sociaux que l’État central et les autorités locales ont réprimés, le plus souvent très durement, sans amener de véritables solutions. Avant 1947, Guadeloupe et Martinique étaient sous le contrôle de gouverneurs et en tant que symbole colonial, ils ont été remplacés par des préfets mais l’application des législations de la métropole comme la sécurité sociale (santé, famille, retraite) faisant passer le statut de ces îles de celui de colonie à celui de département ne furent appliqués que très lentement, rencontrant l’hostilité des patrons de l’industrie et de l’agriculture antillaises. En effet jusqu’à aujourd’hui le pouvoir économique reste entre les mains de grands propriétaires, descendant des premiers colons, blancs-pays ou békés, ou de grandes sociétés extérieures aux Antilles. D’autres part les fonctionnaires, qui occupent une part importantes des emplois aux Antilles, sont pour une partie originaires de la métropoles surtout pour les postes les plus hauts, et ceux-ci perçoivent un supplément de salaires en raison de la vie chère, provoquant ainsi une ségrégation de fait parmi les fonctionnaires.

Dès la fin du 19ème siècle, des luttes commencèrent avec la crise de la production sucrière puis au 20ème siècle avec une grève dure sur les champs de canne en février 1961 jusqu’au mouvement de mai1967 où les indépendantistes devenaient plus actifs et où la répression brutale fit de nombreux morts, surtout en Guadeloupe qui en garde encore aujourd’hui la mémoire. Cet épisode marquera une rupture avec le Parti Communiste Français qui se montrait très frileux contre le pouvoir central. Les mouvements autonomistes et indépendantistes se développaient, influencés par les mouvements algériens et cubains. Et en 1973 était fondée l’UGTG en Guadeloupe qui se voulait un syndicalisme de masse, de classe et anticolonialiste, s’implantant dans le secteur de la canne à sucre qui allait connaître, dans un contexte de crise de surproduction, de nombreuses grèves. Les années 80 connaissent un reflux des luttes ; les trotskistes de Combat Ouvrier rejoignent la CGT et en écartent la direction du PCF.

Dès 2002, en Guadeloupe, la plus “rebelle” des deux îles, une plateforme de revendications fut mise en chantier et des luttes furent menées les années suivantes. En Martinique une intersyndicale se reconstitua en 2005 après plusieurs tentatives antérieures.

Le grand mouvement social de 2008-2009 en Guadeloupe et en Martinique n’a pas été oublié. Il fut le point d’orgue d’une multitude de conflits ayant pour enjeux le pouvoir d’achat, la répression anti-syndicale et l’arrogance d’un patronat impitoyable (vestige de la “caste” des béké martiniquais, patronat des entreprises de la métropole, de multinationales, des patrons locaux antillais ou indiens), la santé, l’école, etc... Y naissait le collectif guadeloupéen LKP qui dirigea le mouvement social démarré en décembre 2008 en Guadeloupe faisant suite à l’augmentation des prix de l’essence de la part de la raffinerie martiniquaise, gagna la Martinique et toucha aussi la Guyane. Une grève générale illimitée fut déclenchée en Guadeloupe du 20 janvier 2009 au 4 mars et démarra en Martinique le 5 février mais la force du mouvement mené par l’intersyndicale y fut moins importante. Lors de cette grève, 140 revendications furent proposées par le LKP pour lutter contre la vie chère et le chômage. La grève dura 44 jours en Guadeloupe et 38 en Martinique ; de nombreux affrontements eurent lieu avec les forces de l’ordre et les quartiers populaires y participèrent. Les négociations sur la base de la plateformes furent négociées avec l’État, le patronat, les collectivités locales et les syndicats appelaient à la reprise du travail après quelques maigres satisfactions.

Depuis cette massive grève générale contre la vie chère de 2009, la situation ne s’est pas améliorée. Et le Covid-19 n’a rien arrangé. Tous les produits passant par la France pour arriver aux Antilles coûtent beaucoup plus cher, du fait du transport et des taxes d’octroi de mer (taxe douanière perçues par les territoires d’outre mer sur les produits importés). Certaines entreprises sont en situation de monopole sur les îles et ne laissent pas de possibilité à la concurrence, ce qui fait monter les prix. Et l’offre de logement n’est pas suffisante…

C’est particulièrement le prix de la nourriture qui pose problème. Malgré les mécanismes mis en place par l’État pour protéger les consommateurs d’outre-mer, les produits alimentaires continuent de coûter en Martinique et en Guadeloupe environ 40% de plus qu’en métropole. Et si les fonctionnaires bénéficient d’une “prime vie chère” pour compenser, les salaires des locaux ne suivent pas. C’est d’ailleurs l’une des revendications des grévistes qui réclament l’augmentation des salaires, des pensions, des minimas sociaux, et la limitation du prix du pétrole et du gaz. La bouteille de gaz a augmenté de près de 11 euros en deux ans, pour franchir les 30 euros en octobre ! Une situation problématique pour les antillais, nombreux à en utiliser pour cuisiner. Et quant à l’interminable protestation contre les effets de la chlordécone, c’est un scandale qui augmente la méfiance de la population contre un État central qui protège les planteurs. En plein mouvement actuel, en réponse à une des revendications du mouvement, le gouvernement a annoncé la reconnaissance par décret du cancer de la prostate comme maladie professionnelle des ouvriers agricoles. Les syndicats réclament en outre la gratuité des tests de dépistage de l’intoxication à la chlordécone pour toute la population. Promise par le gouvernement en mars dernier, elle n’est mise en place que pour les ouvriers et les femmes enceintes. Pour les autres, les tests coûtent 140 euros.

Les restrictions imposées par le confinement et autres mesures sanitaires ont notablement aggravé les conditions de vie d’une bonne partie de la population (secteur touristique très touché, augmentation des prix du gaz, du carburant et des produits alimentaires, fermetures de petites entreprises, etc).

Le mouvement actuel a démarré le 17 juillet 2021. Des manifestations organisées par le LKP en Guadeloupe et l’intersyndicale en Martinique contre les mesures sanitaires et la gestion de la crise Covid se déroulaient chaque samedi dans les communes de l’archipel, dans l’indifférence et le silence des autorités. Elles ont mobilisé jusqu’à plusieurs milliers de guadeloupéens et de martiniquais cet été. Dès juillet des négociations démarraient rapidement avec les autorités locales.

L’obligation vaccinale des personnels des établissements de santé et des professionnels médicaux et paramédicaux libéraux et l’obligation du passe sanitaire pour les activités de loisir, restauration, etc., prévue par la loi du 5 août 2021 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, pleinement en vigueur dans l’Hexagone depuis le 16 octobre, a fait l’objet outre-mer d’un calendrier aménagé compte tenu des effets prolongés de la vague épidémique de l’été dernier. Pour les sapeurs pompiers, cette obligation du passe sanitaire débutait le 15 septembre. Ceux qui s’y refusent sont menacés de suspension de leurs contrats.

Cette obligation a suscité de vives contestations, particulièrement aux Antilles et en Guyane, débouchant sur des conflits sociaux dans de nombreux établissements hospitaliers.

En Guadeloupe, le LKP présentait aux autorités locales le 2 septembre une plateforme de revendications de 32 points dont « l’augmentation généralisée des salaires, la résorption de tous les emplois précaires et des embauches massives, l’arrêt de la répression judiciaire et patronale » et, donc, l’abrogation de la loi du 5 août 2021 encadrant l’extension du passe sanitaire ainsi que la vaccination obligatoire pour certaines professions. Mais les pourparlers sont interrompus fin septembre par le préfet. La seule réponse des services de l’État et des patrons du privé fut des arrestations arbitraires, un harcèlement des travailleurs, des violences policières, des condamnations, des suspension des contrats de travail et des rémunérations, des fermeture des cabinets et des suspensions des professionnels libéraux, des lettres de mises en demeure pour le personnel soignant et les pompiers récalcitrants.

Or le ministère de l’intérieur indiquait que si mi septembre 85% des 251 000 pompiers volontaires et professionnels n’étaient pas vaccinés, au 15 octobre 93% le sont désormais. L’agence régionale de santé de Guadeloupe indique que le taux de vaccination du personnel est de 85% au CHU de Pointe-à-Pitre, de 95% au centre hospitalier de Basse-Terre, de 99% à celui de Marie-Galante, de 90% à celui de Saint-Martin et de près de 100% à la clinique des Eaux Claires de Baie-Mahault. 60% des Ehpad ont un taux de vaccination compris entre 90% et 100%. En Martinique, le taux de vaccination du personnel du CHU n’avoisinerait en revanche que les 50%, et en Guyane, il n’est que de 64% pour l’ensemble des établissements de santé.


Appel à la grève générale en Guadeloupe et en Martinique

Après quatre mois de mobilisation et de demandes d’échange sans réponse des autorités, la cocotte-minute a fini par exploser. Le LKP lance un appel à la grève générale illimitée le lundi 15 novembre 2021 (date de fin de l’état d’urgence sanitaire en Guadeloupe) et le lundi 22 c’est le tour de la Martinique à l’appel d’une intersyndicale réunissant 17 syndicats. Pour les organisateurs, « La détérioration du climat social n’est que le résultat du pourrissement volontairement orchestré par l’Etat, avec la complicité des élus et des médias aux ordres». La mobilisation traduit « la profondeur des souffrances, des inégalités, de la pauvreté et de l’exclusion subies par la population, singulièrement les jeunes et les personnes âgées » et plonge ses racines dans « tous les mépris, toutes les violences qui nous sont opposés depuis des années », et dans l’entrée en vigueur des sanctions contre le personnel soignant non vaccinées, affirme la secrétaire générale de l’Union générale des travailleurs de Guadeloupe, Maïté Hubert M’Toumo, dans un communiqué commun du LPK. Cette mesure n’est que « la goutte d’eau qui fait déborder le vase », estime encore Maïté Hubert M’Toumo. Félix Flémin, secrétaire général du Parti Communiste Guadeloupéen, rappelle lui qu’ « il y a des manifestations toutes les semaines depuis juillet à ce sujet, mais que la mobilisation est beaucoup plus large » et se fonde sur une situation sociale désastreuse.

Si l’obligation vaccinale et le passe sanitaire apparaissent comme des éléments déclencheurs de la colère à la Guadeloupe, cette mobilisation est davantage le symptôme d’un malaise social et économique profond plus ancien. Le président (de La République en Marche, parti du président Macron) de la région Guadeloupe, Ary Chalus, déplore lui aussi le mépris de l’État central : il n’a pas été convié ni même informé de la tenue d’une cellule de crise organisée samedi 20 novembre par Gérard Darmanin, le ministre de l’Intérieur.

Sur les deux îles des barrages ont été érigés en travers de nombreux axes routiers et l’accès aux établissements hospitaliers a été filtré par des piquets organisés par le LPK en Guadeloupe. La nuit, la mobilisation a dégénéré, à plusieurs reprises, en violences urbaines, de nombreux jeunes y participant, et la préfecture de la Guadeloupe a imposé un couvre-feu sur l’île, entre 18 heures et 5 heures du matin, alors que l’état d’urgence sanitaire, assorti d’un couvre-feu, pour lutter contre l’épidémie de Covid19 avait été levé le 14 novembre.

Des pompiers grévistes (et réquisitionnés), dont des syndicalistes de FO, occupaient un rond-point important sur sur l’axe Pointe-à-Pitre le 21 novembre 2021, en bordure de la principale caserne de pompiers de l’île. Ils étaient soutenus et rejoints par du personnel soignant et enseignant. Ce rond-point, tenu de la mi-journée à la tombée de la nuit a été le théâtre d’affrontement entre manifestants et force de l’ordre les 17 et 18 novembre derniers et de nombreuses voitures ont été calcinées à l’entrée. Le couvre-feu était décrété dans les deux îles. Une centaine de coup de feu étaient tirés sur les forces de police et les militaires de la gendarmerie. Des renforts comprenant 5 Unités de force mobiles, des unités du Raid (unités d’élite de la police nationale) et du Groupe d’Intervention de la Gendarmerie étaient envoyées pour les deux îles. C’était la réponse du gouvernement !

Le porte-parole du gouvernement français, Gabriel Attal, qualifiaitt le 17 novembre les manifestants de  : « minorité récalcitrante et violente qui prend toute une île en otage» en Guadeloupe, secouée par une crise sociale déclenchée par des manifestations contre l’obligation vaccinale des soignants. « La santé publique ne peut pas être instrumentalisée à des fins politiques », a-t-il insisté à l’issue du Conseil des ministres, occultant ainsi les problèmes de fond.


La plate-forme de revendications du LPK

La plate-forme de revendications du LPK est une liste qui ressemble à celle de 2009. Au total, une trentaine de points renvoit aux problématiques et dysfonctionnements maintes fois évoqués en Guadeloupe.

Revendications sociales :
     – La résolution de tous les conflits en cours ;
     – Le respect de tous les accords signés, y compris celui du SDIS-971 (accord sur le recrutement des pompiers en Guadeloupe signé en 2014), toujours pas appliqué ;
     – L’augmentation généralisée des salaires, des minima sociaux, des allocations chômage et des pensions de retraite en même temps que l’augmentation des prix ;
     – Le remplacement de tous les départs à la retraite ;
     – L’arrêt des licenciements, dans le privé et des suppressions de postes, dans le public ;
     – L’embauche massive de titulaires, dans toutes les fonctions publiques, à la poste, dans les écoles, à l’université... ;
     – L’arrêt de la répression judiciaire et patronale, contre les militants, les travailleurs et les organisations syndicales ;
     – L’abrogation des règles d’indemnisation du chômage ;
     – Le maintien de toutes les primes de vie chère ;
     – L’ouverture de négociations collectives, dans toutes les branches professionnelles, sur les salaires, l’emploi, la formation, la durée du travail, la protection sociale, la priorité d’emploi des jeunes, des chômeurs et des salariés de Guadeloupe, le fait syndical guadeloupéen ;
     – La résorption de tous les emplois précaires et des embauches massives, dans le privé.

Quant à la gestion de la crise Covid et la situation santaire locale :
     – L’abrogation de la loi du 5 août 2021, relative à la gestion de la crise sanitaire ;
     – La suppression de l’obligation vaccinale ;
     – La suppression du pass sanitaire ;
     – Le maintien de la gratuité des tests ;
     – Des protocoles sanitaires stricts, adaptés aux établissements publics et privés ;
     – Des recrutements de soignants et de personnel, dans les hôpitaux et cliniques privées, ainsi que dans le secteur social et médico-social ;
     – La mise en place d’un plan d’urgence pour l’embauche et la formation des jeunes ;
     – Des moyens matériels pour la santé, le secteur social et médico-social ;
     – La mise en place d’un système de santé de qualité pour accueillir et soigner les usagers, dignement et efficacement ;
     – Des mesures immédiates pour approvisionner les établissements en oxygène.

Exigences très spécifiques concernant les pompiers :
     – Le recrutement de 15 sapeurs-pompiers volontaires (SPV), sur dossier, dans l’immédiat ;
     – Le recrutement de personnel administratif technique et spécialisé (PATS), pour la filière administrative et technique ;
     – La réparation, l’entretien et le renouvellement des engins véhicules de secours et d’assistance aux victimes (VSAV) et fourgon pompe tonne (FPT) ;
     – L’organisation de concours pour les sapeurs-pompiers professionnels, au grade de caporal ;
     – La mise en place d’une nouvelle organisation : 12h00 de travail jour et 24h00 de repos, 12h00 de travail nuit et 72h00 de repos, pour le sapeur-pompier.

Revendications sociétales et dans le secteur de l’éducation :
     – Des moyens supplémentaires et des recrutements de personnels techniques et encadrant, pour le dédoublement des classes et le respect des mesures sanitaires dans les écoles ;
     – Un bâti scolaire et des équipements sportifs et culturels, rénové au plus vite, conforme aux normes parasismiques et débarrassé des rats ;
     – Un plan d’urgence pour l’eau, pour un accès permanent de tous à une eau potable, buvable, sans pesticide, sans chlordécone, à un prix bas et unique, dans le cadre d’un véritable service public ;
     – Le nettoyage de toutes les citernes dans tous les établissements publics ;
     – La condamnation des empoisonneurs au chlordécone et la dépollution des sols.
     – La mise en place d’un véritable service public de transport permettant aux usagers de se déplacer à toute heure sur l’ensemble du territoire.

Le 29 novembre, le ministre des territoires d’outre-mer, Mr Le Cornu, arrive à Pointe-à-Pitre en Guadeloupe. Les négociations avec les syndicats tournent court, les syndicats refusant de condamner les violences, les « tentatives d’assassinat contre des policiers et des gendarmes », comme le demande en préalable à toute négociation Mr Le Cornu. Les négociations continuent désormais avec des élus locaux et la persistance de quelques îlots de résistance des barrages. En Martinique, où le ministre s’est rendu le 30 novembre après l’échec de la Guadeloupe, les négociations se passent mieux, les syndicats ayant accepté les conditions du ministre. Mais dans les deux îles les tensions sont toujours là. La préfecture de Guadeloupe, suivie de celle de la Martinique, annonçait le 30 novembre la révision mensuelle des prix des carburants et du gaz, l’un des objets du mouvement social, mais ce n’est qu’un petit pas, une petite miette !


L’autonomie ou l’indépendance ?

Par contre, le ministre dès son arrivée en Guadeloupe, évoquait la question de l’autonomie de la Guadeloupe et la Martinique. Or le mouvement en cours porte surtout sur des questions sociales et n’a jamais inclus cette question de l’autonomie dans sa liste de revendications, même si objectivement il porte un certain caractère anticolonial. En effet une bonne partie de la population est hostile à toute indépendance et se méfie donc de la proposition d’autonomie. La situation haïtienne, dont les puissances impérialistes et colonialistes sont les principaux responsables, a historiquement été utilisée comme épouvantail face à toute velléité d’indépendance de ces territoires colonisés. La question de l’autonomie a déjà été posée et a fait l’objet de deux référendums en 2003 et 2010 en Guadeloupe. A deux reprises elle a été rejetée par la population qui dans une grande partie perçoit l’autonomie non comme un pas vers l’indépendance mais comme une réduction accrue des investissements de l’État central dans des secteurs comme la santé, l’éducation ou encore l’assistance sociale. Autrement dit, cette question de l’autonomie n’est nullement consensuelle au sein de la société guadeloupéenne – ni d’ailleurs dans celle martiniquaise – et peut mener à une ligne de partage au sein même du mouvement actuel. Ces référendums n’ont qu’un objectif réel : renforcer l’emprise et la légitimité de l’État français dans ces territoires, comme il le fait avec la Nouvelle Calédonie où le troisième référendum organisé le 12 décembre dernier s’est déroulé avec une forte abstention demandée par les organisations indépendantistes.

Le rappel de la question de l’autonomie des Antilles de la part du gouvernement est une manœuvre pour affaiblir le mouvement des luttes. L’impérialisme français ne peut pas se permettre de perdre ses positions stratégiques les plus importantes dans le monde. En effet, la région Antilles-Guyane représente l’un des points d’appui les plus importants du dispositif militaire français global, avec des bases militaires, la présence de 1 000 soldats aux Antilles et notamment la base aérospatiale de lancement de Kourou en Guyane. En outre un domaine maritime français de 500 000 km² s’étend autour des Antilles françaises avec un tourisme maritime fondamental pour l’économie des îles. Ce domaine constitue un carrefour commercial pour l’acheminement vers l’Amérique du Nord du pétrole en provenance du Moyen-Orient, d’Afrique de l’ouest et du Venezuela, de leur approvisionnement en fer, bauxite et aluminium...

Comme le dit Elie Domota, porte-parole du collectif LKP et du mouvement guadeloupéen actuel : « La question des conventions collectives qui ne sont pas appliquées, la question de l’eau qui n’arrive pas au robinet ou qui est empoisonnée au chlordécone, la question de la jeunesse avec 60% des moins de 25 ans qui est au chômage : en quoi, aujourd’hui, ouvrir le débat sur l’autonomie peut régler ces problèmes-là ? Le moment venu on pourra parler de tout ce qu’on veut mais, aujourd’hui, la question cruciale, ce sont les personnes qui sont suspendues – il y en a aujourd’hui près de 3 000 dans une île de 380 000 habitants – ce sont les 250 cabinets libéraux qui ont été fermés. Cela cause un problème de santé publique. Voilà ce à quoi il faut répondre ».

Pour briser les vestiges coloniaux de ces territoires et l’exploitation féroce de leur prolétariat, la voie unique est celle de la lutte de classe, celle des travailleurs des territoires d’outre-mer alliés aux exploités et opprimés de France et d’ailleurs. Pour survivre au chaos du système capitaliste, l’humanité n’a pas d’autre voie et le Prométhée prolétarien pas d’autre issue ! Le prolétariat international dans un contexte de crise économique mondiale qui mine le socle du mode de production capitaliste retrouvera le chemin révolutionnaire au travers de luttes de plus en plus violentes, en s’organisant dans des syndicats de classe qui mèneront de façon centralisée grèves et manifestations de révolte et dans lesquels pourra s’exprimer la voix du Parti Communiste International, fidèle guide porteur de la conscience prolétarienne et héritier de tous les enseignements des luttes de classe de l’histoire !

Malgré le silence médiatique qui rend inaudibles les revendications sociales des manifestants antillais, malgré la répression et les tribunaux de classe, malgré l’apathie du prolétariat de l’Hexagone englué dans ses contradictions et l’isolement de ses luttes locales, nous saluons le courage et l’obstination du prolétariat antillais qui se forge un chemin encore laborieux vers l’inéluctable heurt de classe.